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Articles / Développement, scolarisation & apprentissages

 

Développement, apprentissages, difficultés et troubles d'apprentissage, scolarisation, éducation... par les collaborateurs de Le monde est ailleurs

 

 

 

Photo LMEA Innu l'autobus, Sept-iles, Qc 2002

 

 

DEVELOPPEMENT DU LANGAGE

Le Développement du langage, de la parole et de la communication

2014

 

 

Par Louise Lafleur, orthophoniste et Jean-François Chicoine, pédiatre

Montréal, Québec, Canada

Avec Le monde est ailleurs

D’après deux textes antérieurs : 2007/ SAI/CHU Sainte-Justine25 janvier 2008/Service Vie

 

 

Le langage, sous ses formes innombrables, est sans doute la plus grande invention de l’humanité (certains diront qu’il s’agit du velcro, mais ne jouons pas sur les mots).  Quand on y pense, ce trésor inestimable et fragile, clef de la transmission qui codifie toutes les activités humaines, s’acquiert très tôt dans la vie d’un individu. 

 

Et c’est un grand soulagement pour tous les parents quand leur petit, pour la première fois, exprime par des mots et non par des pleurs l’objet de son désir.  Ne disez pas le contraire : c’est grâce au langage que les petits jousent et risent.  La langue, a n’en fait plein des belles affaires.

 

Les origines du langage

Inné, le langage ? On y croit depuis que Noam Chomsky, le célèbre linguiste et activiste américain, a émis l’hypothèse qu’une structure neuronale serait déjà présente  dans le cerveau, et prête à activer la parole chez l’enfant.  On n’a toujours pas trouvé ces fameux neurones, mais cette idée est certainement plus séduisante que la théorie, longtemps admise, voulant que la parole était acquise uniquement par imitation. 

 

Chose certaine, c’est que pour émettre une parole, l’enfant soumet ses muscles et ses nerfs à une gymnastique fort complexe.  Pour transformer une respiration en mots, c’est comme si bébé était assis aux grandes orgues.  Plus tard, quand cette gymnastique sera bien maîtrisée, ce seront les muscles et les nerfs de ses parents qui seront mis à rude épreuve. .

 

Acquis, le langage? On y croit depuis qu’on sait à quel point la croissance post-natale du cerveau dépend en grande partie de l’environnement proximal de l’enfant, sa mère au départ, puis son père, enfin les figures qui lui seront familières. L’imitation est en fait une répétition, donc un acquis, une modélisation que le poupon peut ensuite resservir à ses proches.  

 

Inné et acquis donc, pour pas faire simple, voilà assez d’avenues scientifiques pour satisfaire tout le monde et épater toutes les galeries. Ne disez pas le contraire : c’est grâce au langage qu’on se fait des amis.

 

La connaissance du langage

Le développement normal du langage est le mal de tous et chacun. On n’a pas fini d’entendre des risez et des jousent !

 

Comment savoir si l'enfant parle normalement ou non ? Comment bien ou mal l’accompagner? Comment savoir s’il a un retard de langage ou un trouble du langage si personne n’est là pour clamer la norme? Les troubles identifiés sont-ils graves ? Vont-ils s'améliorer spontanément ? Comment les expliquer, les évaluer, les aborder ? Si les questions sont légitimes, le savoir faire populaire fait cruellement défaut.

 

D’ordinaire, les retards ou les troubles du langage de l'enfant vont inquiéter ses parents et l’entourage avec plus ou moins d’importance et plus ou moins tôt selon ce qu’ils attendent de la communication, leurs expériences de vie, leur travail, leur milieu socio-économique, etc. Certains parents avertis ou inquiets s'alarment si leur fils de 2 ans ne dit que quelques mots et d'autres ne sont pas choqués lorsqu'un enfant de 5 ans parle encore comme un bébé.  Les inquiétudes ou les décisions d’intervenir apparaissent donc à des moments variables dans l'évolution de l'enfant. Mais elles ne sont pas forcément en rapport avec la gravité des troubles.

 

Plus étonnant, le développement du langage est mal connu de plusieurs professionnels œuvrant auprès d'une clientèle pédiatrique et normalement au poste pour bien encadrer et aviser les familles sur la question du bien perler. Le sujet paraît simple, alors il est peu traité dans le cadre de formation des professionnels de la santé. Même les cours universitaires ne fournissent pas d'informations élaborées sur le sujet. L’enseignement du langage à de futurs soignants, c’est un peu comme l’enseignement de la sexualité à des élèves du secondaire : on enseigne un sujet qui a déjà prise dans la réalité et on ose pas pousser la machine académique de peur  que le cadre théorique fasse pâle figure avec la conversation ou la baise du matin.

 

Cette réalité est bien dommage, car l'évolution du petit de l’homme et son intégration sociale dépendent en grande partie de l'acquisition et de l'évolution de ce langage dont les parents, bien ou mal renseignés par des experts de la santé, demeurent les premiers tuteurs.

 

La conception tridimensionnelle du langage

Le langage n’est pas seulement une suite de mots que l’on prononce bien ou mal; c’est aussi la capacité de dialoguer avec une autre personne par un échange réciproquement entendu de signes et de mots.  Le sens des mots, la syntaxe et la cohérence du discours sont également des caractéristiques importantes à considérer de même que la capacité d’entrer en communication qui fait aussi partie des enjeux.

 

Le langage ne réfère donc pas seulement au vocabulaire. Et pourtant, historiquement, on a d’abord conçu le langage essentiellement comme un répertoire de mots organisés en énoncés.  On portait donc une attention particulière au « ce que je vais dire » et au « quoi dire ».  On référait donc, à ce moment-là, à l'aspect « contenu » du langage, c'est-à-dire à l’aspect qui consiste à trouver les bons mots pour exprimer ses besoins. Dans cette perspective, avoir un bon langage, c'était apprendre beaucoup de nouveaux mots, développer son vocabulaire et pouvoir les reproduire au moment opportun. Exemple : la mère qui disait à son entourage « mon enfant connaît beaucoup de mots », indiquait par là que son enfant avait un bon développement du langage.

 

Une seconde conception a ensuite dominé la psycholinguistique du développement durant les années 1960. Elle insistait sur les aspects formels, c'est-à-dire les règles qui président à l'organisation de mots pour former des phrases.  On référait donc alors à l'aspect « forme » du langage, c'est-à-dire au « Comment je vais construire une phrase adéquate pour transmettre ce que je veux », donc au « comment dire ». Exemple : « Est-ce que Jean peut venir jouer chez moi ? » implique une phrase bien construite qui exprime mon désir de compagnie.

 

Une troisième conception du langage a fait suite aux précédentes. C’est celle que nous adoptons actuellement et qui insiste sur le langage comme «instrument de communication ».  Cette conception est apparue avec Bloom et Lahey en 1978.  C'est un modèle tridimensionnel où les aspects « contenu » et «forme » jouent un rôle très important, chacun à leur niveau mais où on insiste également sur la fonction pragmatique du langage, son «utilisation » en quelque sorte, au pourquoi dire, au à qui dire, au où le dire et au quand le dire. Exemple : l'enfant qui veut que Jean vienne jouer à la maison doit trouver les mots appropriés pour faire sa demande (contenu) ; doit organiser adéquatement sa phrase pour faire sa demande (forme) ; mais doit aussi le demander à la bonne personne et de façon adaptée (utilisation).

 

L’utilisation du langage

À partir de cette perception élargie, les parents et les éducateurs peuvent ainsi devenir des agents facilitant l'implantation de programmes d'intervention dans l'environnement naturel de l'enfant, soit la famille et l'école. En parlant d'«utilisation » du langage, on parle mieux de la capacité qu'a l'enfant d'entrer en communication avec son entourage, et pas seulement de son vocabulaire et de sa capacité à bien organiser des phrases. On ouvre aussi des avenues sur les façons variées d'entrer en communication. On parlera alors d'actes de langage qui consistent à émettre de phrases pour demander, persuader, renseigner, etc.

 

La pragmatique du langage concerne la capacité d'entrer en communication avec quelqu'un, de pouvoir poursuivre une conversation en restant dans le contexte et de respecter les tours de parole. Tout cela fait partie du langage.

 

 Ellipse: CONTENU  (Ce que je vais dire, quoi dire)

 

 

 

 

 

 

 

Ellipse: FORME  (Comment dire)

 

 

 

 

 

 

 

Ellipse: UTILISATION  (Pourquoi dire, à qui, où, quand)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les deux facettes du langage

On distingue classiquement deux versants au langage soit les niveaux expressif et réceptif.

 

Lorsqu'on évalue le développement du langage de l'enfant, on regarde donc la forme, le contenu et l'aspect pragmatique du langage selon la conception tridimensionnelle que l’on a décrite : c’est l’aspect expressif. Il concerne l’organisation et la production du message qui constituent la réponse. L’organisation de la réponse est un processus décisionnel faisant appel à la sélection des mots emmagasinés dans le lexique cérébral, aux règles de la syntaxe, à la mise en action de l’appareil bucco-phonatoire et au contexte de communication.

 

Lorsqu'on évalue le développement du langage de l'enfant, on regardera également le niveau réceptif du langage, soit l’attention, la perception, la compréhension du langage de l'enfant par rapport à son âge chronologique.  Par l’audition est appréciée l’intensité et la tonalité des sons du message. La perception et le décodage des sons entendus comportent aussi des fonctions de discrimination par rapport à des sons autres que ceux du langage, ainsi que des capacités d’attention et d’emmagasinage de l’information dans un ordre séquentiel. La compréhension et l’interprétation du message reçu résultent du décodage perceptuel et consistent à reconnaître le sens des mots tels qu’ils sont emmagasinés dans un lexique cérébral.

 

La première année de vie

On sous-estime souvent l'importance de la première année de vie dans le développement du langage. Celui-ci, croit-on, n'apparaît pas avant le début de la seconde année de vie lorsque l'enfant produit ses premiers mots. Et pourtant !

 

Qu'est-ce qui se passe pendant la première année de vie qui soit si pertinent au développement linguistique ?

 

Zéro à un an : la période prélinguistique

Pendant les 12 premiers mois de la vie, l'enfant apprend les mécanismes de base de la communication et de la conversation à un niveau non verbal.  C’est que l’on nomme la période prélinguistique. Le bébé réalise très rapidement que la plupart de ses cris et de ses pleurs provoquent l'apparition de l'adulte.

 

Attention : le langage n’est pas la parole. Le langage est un code de communication. La parole est l’acte moteur qui permet l’un des modes de communication : la communication verbale. Le langage est aussi fait de gestuelle, de graphisme. Il est porteur de signifiants, de liens entre l’émetteur et le récepteur.

 

Les premiers jours

Il n’est pas « une page blanche ».

À peine il respire, disons l’affaire d’une douzaine d’heures, et déjà le bébé démontre de la curiosité pour la voix humaine : sa hauteur, son intensité, son timbre, ses accents rythmiques, tout cela l’interpelle. L’air de rien, bébé opère avec la musique et s’exercera discrètement à en reconnaitre la « petite musique ».

Il faut le voir tourner sa tête vers sa mère qu’il entend. Plus de 25 ans de pratique pédiatrique et ce mouvement du bébé m’impressionne encore. En design, c’est la beauté de la ligne qui compte. En pédiatrie, c’est pareil. 

On sait aussi qu’une voix haut placée va plaire davantage à bébé. Exemple : la voix maternelle, pour ainsi dire une voix de femme, du moins jusqu’aux dernières nouvelles. L’homme qui s’adresse à un nouveau-né élèvera d’ailleurs naturellement la voix. L’agriculteur baraqué en sera quitte pour une voix à la « française ».

 

De 0 à 2 mois

Le nourrisson produit des cris réflexes et des pleurs pour indiquer la faim, l'inconfort, l’ennui, son malaise ou le besoin d’être changé. 

 

Les pleurs sont un bon moyen de communication. Décoder les variantes de pleurs apporte beaucoup de satisfaction aux parents qui exercent ainsi leur sentiment de compétence. Parfois, le bébé criera juste pour le plaisir de s'entendre. Mais il s’arrêtera de pleurer en s’écoutant pleurer sur un enregistrement de ses propres pleurs.

 

L’enfant sursaute aux bruits violents dès les premières heures. À peine il respire, disons l’affaire d’une douzaine d’heures, et déjà le bébé démontre de la curiosité pour la voix humaine : sa hauteur, son intensité, son timbre, ses accents rythmiques, tout cela l’interpelle. L’air de rien, bébé opère avec la musique et s’exercera discrètement à en reconnaitre la « petite musique ».

 

En fait il discerne bien la voix humaine des autres sons, discerne les sons qui appartiennent ou non à une langue en particulier. Il faut dire qu’il a pris un peu d’avance en les étudiant avec beaucoup d’intérêt durant la vie intra-utérine. Dans les faits, le fœtus acquière la capacité d’entendre vers la quinzième semaine de gestation, mais il faut lui donner encore un peu de temps pour que son système auditif soit mieux huilé.

 

C’est à  l’observer en échographie à ses 25 semaines qu’on constate plus aisément qu’il réagit aux sons d’une manière non aléatoire. Qu’il connecte, baigné dans le liquide amniotique d’un utérus qui lui sert de zone Wi-Fi en quelque sorte.

 

Dans son studio intra-utérin, bébé apprivoise la voix de sa mère de l’intérieur, « par en dedans ». Il entend l’essentiel de ses intonations, ainsi que ses battements de cœur de mère scandés de borborygmes intestinaux. Mais, il ne s’en tient pas qu’au repas de la veille, il écoute, vraiment, et on croit qu’il s’en émeut, pour vrai.

 

Parvenu à 32-34 semaines, il arrive à percevoir encore plus distinctement la voix maternelle, notamment quand sa mère converse ou encore quand elle chante. Au shower de bébé, au cours de préparation à l’accouchement, sur l’oreiller quand elle parle de lui à son papa, peu importe, partout il peut entendre sa mère. Il en a la capacité. On pourrait dire que le fœtus est l’invité secret d’un ventre qui a l’air de tout, sauf d’une oreille.

 

La petite chose qui hurle à la vie n’est donc pas « une page blanche ». D’ailleurs, dès la naissance, il reconnait bien la voix de sa mère et tourne son regard vers elle. Il faut le voir tourner sa tête vers sa mère qu’il entend. De cette langue maternelle, l’enfant fera son langage. Ultérieurement, son langage sera porté par la parole.

 

En design, c’est la beauté de la ligne qui compte. En pédiatrie, c’est pareil. 

 

De 2 à 6 mois

Le bébé apprend qu'il exerce une maîtrise sur l'environnement par ses pleurs.  Le sourire apparaît au départ comme un signe de satisfaction physique, puis comme manifestation sociale.  Accompagné du contact visuel, il est le premier mode de communication avec sa mère, puis ceux qui en prennent soin avec chaleur, régularité et efficacité. 

 

Les mauvaises langues diront que bébé ne joue du cou que pour manger, mais c’est faux, les commères ont tort, bébé n’est pas un chat ni un écureuil, il se tourne pour l’entendre ELLE. Sa mémoire vocale est indépendante de la fonction de nourrissage. Elle est autre, originale, autonome. Preuve biorythmique : quand une voix inconnue s’adresse à son petit être, son cœur n’en fait pas de cas. Dans ses premiers jours de vie, bébé n’a qu’une seule sirène.

 

Le gazouillis, surtout relié au plaisir, surgit vers 3 mois et est constitué de sons répétés, prolongés, mélodiques («eee, ggg, aaa») majoritairement constitués de voyelles. Le bébé découvre alors de quoi il est capable. 

 

Vers 4 à 5 mois

À travers ses vocalises de plus en plus diversifiées, l'enfant établit les bases de la conversation.  Il comprend l'intonation et le faciès de l'adulte fâché. Il accorde une valeur sémantique à quelques objets familiers, parents, biberon, son chien, son jouet musical. Il commence à comprendre le principe du « chacun son tour », à la base de tout échange verbal.

 

Il faut dire qu’il est maintenant sorti de sa coquille extra-utérine. Ses rapports avec le monde s’organisent. Il n’est plus à la merci d’un chaos intérieur. Il apprivoise le monde et apprend à s’en servir.

 

De 6 à 12 mois

Le pouvoir de discrimination sonore des bébés est d’absolument renversant. Il y a une trentaine d’années, on a appris qu’ils pouvaient discriminer, « non seulement tous les sons de langue parlée autour d’eux, rapporte Diane Daviault, mais aussi ceux de toutes les langues du monde ». L’homouniversalisme serait donc une affaire de pouponnière, et non de développement planétaire. Et la suite du monde appartiendrait pour une bonne part à la perte de notre pouvoir de discrimination.

 

Car il y aura perte, pour permettre l’émergence!

 

« L’inconscient est polyglotte » écrit le psychanalyste Nazir Hamad. Mais le langage de l’âme émerge de l’unilinguisme, la langue de ses premiers émois.

 

Avec la venue des consonnes dans le vocabulaire du bébé, le babillage apparaît. Ce répertoire se constitue de chaînes syllabiques («bababa », « gueguegue») qui se modèleront de plus en plus sur la couleur phonétique de la langue maternelle, et ce, à partir de 8 mois. À 9 mois déjà, le bébé chinois a donc des intonations typiques de mandarin ou de cantonnais, le bébé français, des intonations de français.

 

Vers l’âge de 10 à 12 mois que l’enfant ne distingue plus que les sons de la ou des langues parlées dans son environnement immédiat. Ce deuil est une véritable bénédiction qui lui permet d’approfondir les contenus, la syntaxe, voire la pragmatique de sa langue maternelle, celle d’ELLE. Autrement, bébé discriminerait autant les sons du français que ceux du vietnamien, du russe ou de l’innu, et n’aurait conséquemment plus d’espace mental pour approfondir quelque langue que ce soit. Son langage serait celui entendu sur le parvis d’une tour de Babel. L’enfant n’arriverait pas à comprendre la langue de personne et se tournerait lui-même la sienne, plus de sept fois, quelque chose comme 7000 tours de langue, soit le nombre approximatif de langues vivantes parlées dans le monde.

 

Graduellement, l’enfant aguerri à sa langue maternelle va démontrer par plusieurs indices qu’il s’aperçoit que les mots sont porteurs de sens. L’enfant commence aussi à utiliser un langage gestuel pour se faire comprendre, tendant les bras pour se faire prendre par l’adulte. Il aura également appris que le fait de secouer la tête en disant « non » renforce le message.

 

On note ensuite une augmentation sensible de séquences de syllabes plus complexes et d’intonations variées, reproduisant les modulations d’une conversation.

 

Vers la fin de ce cycle, le premier mot est émis, un des premiers pas importants dans le monde symbolique.  L’enfant dit « papa » ou « maman ». La compréhension se limite au contexte des routines quotidiennes : repas, bain, coucher, etc.

 

Vers le 12e mois, quelques mots peuvent cependant être identifiés en présence du signifié : « maman, lait, dodo ».  Les mots peuvent ne pas être dits dans le contexte approprié. Ça viendra. En parallèle, une petite fille pointe du doigt vers 11 à 13 mois, un garçon vers 12 à 14 mois.

 

Bébé peut comprendre son nom et « non ». À remarquer que l'enfant comprend toujours un peu plus vite qu'il ne parle.

 

À cet age ou se consolide l’attachement, l’enfant expérimente l’individuation. Le langage le portera vers l’autonomie et le social

 

De 12 à 18 mois

De 12 à 18 mois, l'écholalie d'apprentissage, le fait de répéter les mots ou les fins de phrase comme un écho, conduit à l'émergence des 10 à 50 premiers mots, environ 5 à 6 mois donc après les premiers mots.  Ce répertoire comporte principalement les noms et verbes de la vie courante.  Au départ des objets et des personnes, puis ensuite des actions.

 

Les mots qui contiennent des « r » sont réputés plus difficiles. L’enfant utilise des onomatopées pour signifier des objets qui bougent ou qui font du bruit : « vroum-vroum – wouf-wouf ».

 

L’enfant utilise aussi parfois des mots à valeur de phrase : « auto » pour « je veux aller en auto ». Au terme de cette période, ou un peu au-delà pour certains enfants, la juxtaposition de deux mots commence.  Elle est émise occasionnellement : comme « non dodo – encore jus – auto papa – parti Fido ».  Le jargon-babillage prédomine.  Les gestes primaires suppléent ou accompagnent l'expression orale : indique du doigt, fait non de la tête, fait bye-bye, tend les bras. 

 

La compréhension s'effectue sur un mode uniquement concret et verbo-contextuel et demeurera quasi absolument dépendante du contexte familier jusqu'aux environs de 2½ ans.  Ainsi, bébé comprend « viens dans le bain – on s'en va dehors – viens manger », etc.

 

À cette époque, les différences peuvent être grandes d’un enfant à l’autre. Les parents doivent s’en souvenir.

 

Pour favoriser le développement du langage

Voici quelques conseils pour favoriser le développement du langage du très jeune enfant.

 

Au cours de la première année de vie, l'enfant apprend à communiquer à un niveau pré-linguistique.  C'est en communiquant avec l'enfant de toutes les façons possibles et en utilisant aussi bien les sons que les gestes, les mimiques faciales et les attitudes corporelles qu'on prépare le langage. 

 

Dès les jours qui suivent sa naissance, il faut entrer en contact avec l'enfant en lui parlant, le touchant et le caressant.  Il ne faut pas toujours prévenir ses désirs mais bien l'amener à les exprimer.  Ainsi, on peut stimuler l'enfant à tendre les bras pour être porté plutôt que le prendre dans les bras avant qu'il en ait manifesté le désir.

 

Il faut aussi l’initier à la lecture dès l’âge de quelques mois.

 

Dans le dernier tiers de la première année, on favorisera l'organisation de la «conversation» en prise de paroles successives et rapprochées en verbalisant dans les intervalles laissés libres par l'enfant et en le stimulant à intervenir à son tour.

 

Vers la fin de la première année, on favorisera la compréhension de quelques mots familiers en établissant aussi clairement que possible devant l'enfant la relation entre le mot et l'objet, la personne ou l'événement désigné.

 

Vers l'âge d'un an, l'enfant commencera à dire ses premiers mots.  Il faut répéter souvent pour que l'enfant enregistre fréquemment les mêmes mots.  Il est bon de parler lentement, en exagérant un peu l'articulation.

 

On dira qu'un mot est une séquence de sons mais un mot a aussi un sens, un contenu.  Il ne faut pas être trop exigeant en matière d'articulation car on risque de bloquer le développement communicatif de l'enfant.  Il vaut mieux que l'enfant exprime 20 ou 30 mots avec une articulation approximative que 10 mots avec une articulation parfaite.

 

Un bon environnement linguistique pour l'enfant qui apprend le langage est celui dans lequel le langage adressé par l'adulte à l'enfant est adapté au niveau expressif et réceptif de ce dernier.  Le niveau de complexité du langage adulte change avec l'évolution linguistique de l'enfant. 

 

Ainsi, le langage de l'adulte doit toujours être un peu plus complexe que celui de l'enfant à qui il s'adresse.

 

En effet, si le décalage entre les deux niveaux de langage est trop important, le progrès linguistique de l'enfant s'en trouvera ralenti.  Si au contraire, le décalage entre le langage de l'adulte et celui de l'enfant est trop faible, l'enfant se trouvera dépourvu d'un modèle linguistique suffisamment évolué, ce qui risque de freiner son développement linguistique. Un décalage moyen est sans doute optimum pour favoriser le développement langagier de l'enfant.

 

À noter aussi que la maîtrise de la parole peut être retardée, de quelques mois à un an, chez l’enfant dont les deux parents ne parlent pas la même langue. 

 

Des indices d'anomalie dans le développement du langage

Quels sont les indices d'anomalie dans le développement du langage et de la parole chez l'enfant de 0 à 18 mois ?

 

À 6 mois : absence de sourire ; absence de réponse à la voix ; absence de gazouillis.

 

À 12 mois : peu de contact visuel ; ne réagit pas à l'appel de son nom ; bébé silencieux ou avec un jargon peu développé ; absence d'émergence des premiers mots significatifs.

 

À 18 mois : ne développe pas de vocabulaire des mots usuels ; ne cherche pas à faire connaître ses besoins par des mots ou des gestes appropriés (ex : pointer) ; ne répond pas sur demande aux consignes usuelles (assis, donne, etc.) ; ne peut identifier correctement des objets faisant partie de son entourage.

 

Ces différentes manifestations déviantes peuvent nous orienter vers un diagnostic de retard ou de trouble du langage.

 

L'évolution de l'enfant permettra de préciser nos impressions.  Les mois et les années à venir sont donc très importants à observer.

 

 

« Pour un enfant tout est signifiant langage, tout ce qui se passe autour de lui, tout ce qu’il observe. »

Françoise Dolto, Tout est langage, Gallimard

 

 

SOURCES

Chevrier Muller, C., Nargona J. (1996). Le langage de l'enfant: aspects normaux et pathologiques.  – Masson, Paris, 1996.

Manolson, A. (1997).  Parler: un jeu à deux.  Comment aider votre enfant à communiquer.  Guide du parent.  Le Centre Haneu, Toronto, 1996.

Lafleur, L. et Chicoine, J. F. Le développement du langage chez l’enfant adopté, Montréal, Québec,  Le monde est ailleurs, 2007.

Daviault, D L’émergence et le développement du langage chez l’enfant, Chenelière Education, Qc 2011

 

 

 

APPRENTISSAGE DE LA LECTURE

Les programmes ALI: la lecture interactive avec les tout-petits 

2008

 

Par Renée Seguin

Laboratoire du nourrisson de l’UQAM Département de psychologie Université du Québec à Montréal

Avec Le monde est ailleurs

Extrait de www. servicesvie.com/ Transcontinental

Dernière révision : 11 mars 2008

 

La recherche scientifique révèle que certaines façons de stimuler le bébé sont particulièrement efficaces pour favoriser son développement. Il est important de stimuler le jeune enfant de manière adéquate en faisant tout aussi attention à ne pas le sur-stimuler, en croyant bien faire. 

 

 

La période de la petite enfance est tout à fait cruciale pour favoriser l’acquisition des habiletés qui vont permettre à l’enfant de répondre aux demandes de l’école plus tard.


Comment, comme parent ou adulte proche de l’enfant, pouvons-nous contribuer au développement optimal du tout-petit ?

 

Petits gestes et grands résultats

Les activités de stimulation et les expériences qui participent au développement de l’enfant au niveau cognitif, social, langagier et moteur, prennent habituellement la forme d’interactions et de jeux entre lui et les personnes qui s’en occupent.

 

Spontanément, de façon intuitive et naturelle, beaucoup d’adultes réalisent ce type d’activités avec les jeunes enfants. D’autres toutefois le font beaucoup moins souvent ou pas du tout.

 

Vous jouez à faire  « coucou » ?

Vous chantez des chansons en faisant des gestes et des sons répétitifs ?

Vous regardez un livre avec votre tout-petit et vous décrivez les illustrations ?

Vous parlez à votre enfant en l’encourageant à produire des sons  et des mots ?

Vous lui offrez des objets à manipuler ?

 

La réalisation de ces activités, anodines direz-vous, ont toutes leur importance.

 

Qualité de l’environnement, qualité de l’apprentissage

Outre le bagage génétique, la recherche démontre aussi qu’il y a une forte relation entre la qualité de l’environnement dans lequel évoluent les enfants et la qualité de leur développement cognitif, langagier, moteur et socio affectif.

 

Généralement, les parents et les autres grandes personnes qui gravitent autour du tout-petit offrent spontanément l’essentiel de tout ce qu’il lui faut pour bien se développer. Mais, immanquablement, plus les conditions sociales sont difficiles, défavorables ou précaires, et moins l’enfant bénéficie de l’attention constructive de ces adultes de référence et leur développement en souffre en conséquence.

 

Dans plusieurs quartiers de Montréal, la moitié des jeunes enfants présentent ainsi ces retards de développement si souvent observés dans les milieux défavorisés et qui se manifestent notamment par la pauvreté du vocabulaire. Il est facile de prévoir que ces jeunes enfants ne parviendront malheureusement pas à s’ajuster aux demandes de l’école compte tenu qu’ils n’ont pas suffisamment développé les habiletés préalables à la réussite scolaire. Dès leur entrée à l’école, ils seront confrontés à des échecs scolaires avec tous les risques associés : perte d’estime de soi, troubles de comportement, renoncement.

 

Le développement du langage

Bien avant l’âge de 2 ans, on rapporte que la qualité du langage des enfants varie déjà énormément selon le milieu économique dont ils sont issus. Dans les milieux moins favorisés, les enfants, tout comme leurs parents, émettent moins de vocalisations et présentent un vocabulaire beaucoup plus limité.

 

La situation de lecture

La situation de lecture entre un adulte et un enfant fait beaucoup pour améliorer le langage et le développement de l’enfant. Les chercheurs ont démontré qu’en situation de lecture, l’adulte offre un modèle langagier beaucoup plus riche et plus varié que dans d’autres situations comme les activités de jeu libre par exemple. Faire la lecture avec un enfant stimule directement le développement de ses habiletés cognitives et langagières.

 

Plusieurs programmes ont été élaborés dans le but de corriger les différences entre les enfants de divers milieux, de remédier aux retards de langage, de favoriser leur développement et de leur offrir une préparation adéquate pour satisfaire aux exigences scolaires.

 

Un programme d’activités de lectures

Les chercheurs québécois Malcuit, Pomerleau et Séguin, inspirés par des travaux américains, ont créé les programmes d’activités de lecture interactive (ALI) qui  couvrent les cinq premières années de vie de l’enfant.

 

Ils ont ainsi développé trois programmes ALI :

ALI BÉBÉ, pour les 0 à 15 mois ;

ALI BAMBIN, pour les 15 à 36 mois et

ALI EXPLORATEUR, pour les 3 à 5 ans. 

 

Les programmes ALI ont pour objectif général de favoriser le développement des habiletés cognitives, langagières et socio-affectives du jeune enfant de 0 à 5 ans.   Chaque programme comprend une trousse de matériel et peut faire l’objet d’une formation personnalisée, en milieu familial ou en milieu professionnel de garde.La recette est simple : on donne un livre à l’enfant, mais on s’assoit pour le lire avec lui.

 

Ce mode de lecture a pour effet d’entraîner l’enfant à porter attention aux images du livre, à émettre des verbalisations et à élaborer à partir de ce qu’il voit et de ce qu’il connaît. Dans cet échange l’adulte prête attention aux intérêts de l’enfant, il suit ses signaux de communication et partage ainsi ses émotions, ses enthousiasmes et ses inquiétudes. Faire la lecture interactive avec un enfant incite aussi à une proximité qui crée un climat chaleureux qui renforce les liens affectifs entre l’enfant et la personne qui s’occupe de lui.

 

L’importance de parler à bébé

Le programme ALI-Bébé propose ainsi des activités de stimulation qui favorisent le développement des habiletés d’attention, d’exploration, de communication et de langage qui vont permettrent au tout-petit d’accéder vers la fin de sa première année de vie, aux activités de lecture interactive proprement dites.  Toutefois, avant de pouvoir s’intéresser au livre et à la lecture avec un adulte, le bébé doit d’abord accroître sa capacité d’attention. Il doit aussi apprendre les bases de la communication et commencer à maîtriser le langage. Le développement des habiletés de communication et de langage débute dès les toutes premières semaines de vie de l’enfant. Le bébé apprend à communiquer et à parler à partir des stimulations langagières que lui adressent les gens de son entourage.

 

De là toute l’importance de parler au bébé.

 

ALI-Bébé propose 6 classes d’activités qui permettront aux personnes qui prennent soin de l’enfant de participer activement à son développement :

 

Capter et maintenir l’attention

Parler au bébé et le faire parler

Nommer les choses

Faire des jeux sociaux

Faire des jeux perceptivo-moteurs

Faire des jeux de pré-lecture et de pré-écriture

 

Ces activités de stimulation et d’apprentissage doivent être réalisées dans un climat enjoué et chaleureux en respectant le rythme de chaque enfant. Toutes les activités peuvent s’intégrer aux activités régulières de la vie quotidienne, lors du bain du bébé, au cours de son repas, en allant au parc en poussette …Les moments passés à parler à un enfant et surtout les façons particulières de communiquer avec lui participent activement à son développement langagier et cognitif.

 

Parlez avec vos tout-petits, incitez-les à échanger avec vous, faites-vous plaisir à prendre du temps de qualité avec eux.

 

SOURCES

 

Centre de liaison sur l’intervention et la prévention psychosociales (CLIPP) ;

page consacrée aux programmes ALI :

http://www.clipp.ca/servlet/dispatcherservlet?selectedContentID=12044&lang=1&action=2

ADOPTION & SCOLARISATION

L’enfant adopté entre à l’école

2007

 

Par Jean-François Chicoine, pédiatre,

Marie-Claude Béliveau, orthopédagogue

& Johanne Lemieux, travailleuse sociale

Extrait adapté de: « Intervention en postadoption », CHU Sainte-Justine, 2007
Éditeur: Le monde est ailleurs, Qc., Canada

 


Au moment de l’entrée à l’école, une attitude d’ouverture, de tolérance et de confiance du parent adoptif est plus que nécessaire pour aider l’enfant à mieux vivre son passage dans « le grand monde ».

 

Le parent, malgré tous les efforts déployés à actualiser son propre attachement pour un enfant adopté, doit maintenant « autoriser » son enfant à s’attacher à une figure de confiance qui n’est pas la sienne; permettre à « son » enfant de se trouver bien à l’école et de s’y épanouir par de multiples expériences et relations de différentes natures. Pas facile : c’est souvent au moment de l’entrée à l’école que le parent adoptif réalise rétrospectivement qu’il n’a pas eu tout le temps nécessaire pour vivre « collé/collé » avec son enfant trop vite appelé à élargir le cercle familial.

 

Les adultes non-parentaux

Plusieurs parents adoptifs constatent eux-mêmes leurs grandes difficultés à assumer cette progression de leur enfant vers le monde scolaire. Notamment, ils peinent à imaginer la relation de confiance que leur progéniture devra maintenant entretenir avec des adultes encore étrangers au cercle relationnel de leurs intimes. Ils se placent du point de vue de l’enfant et se trouvent déjà exténués à envisager le maillage de liens nouveaux qui s’imposeront à lui. Comme si tout était déjà à recommencer!

 

D’autres familles occultent au contraire ces difficultés, notamment de peur de réveiller quelques deuils ou quelques fragilités face à leurs propres expériences scolaires. Le déni a le dos large : les craintes que l’enfant venu d’ailleurs ne puisse pas s’intégrer à ses confrères, pour des raisons académiques ou affectives, sont également balayées sous le tapis.

 

Dans certains cas d’espèce, plus rares somme toute, les parents pourront même paraître anormalement tolérants face à la scolarité et ses mises en échecs éventuelles. Chiches? Comme s’ils prenaient leur souffle, satisfaits d’avoir évité le pire, mais pas encore enlignés pour viser le meilleur. On les entend alors dire quelque chose du genre: « Après tout ce qu’on a enduré, qu’il réussisse ou non ses devoirs de français, c’est le moindre de nos soucis! »

 

Deux attitudes contradictoires

En fait, dans leur volonté d’aider inconditionnellement leur enfant, les parents adoptants oscillent souvent entre deux attitudes contradictoires.

 

L’une, décidément la plus tentante, est une attitude intervenante, protectrice, un surinvestissement affectif qui plaide que l’enfant a besoin d’amour, de présence, d’une affection chaleureuse et rapprochée; qu’il a besoin qu’on s’occupe de lui et qu’on le surveille en permanence tant il a souffert et se met en danger; qu’on ne peut pas lui faire confiance et le laisser seul, car il est dangereux pour lui et pour les autres. Dans cette foulée surprotectrice, la qualité des interventions mises en place par l’enseignant à tôt-fait d’être remise en question. Inévitablement, des conflits avec les enseignants pointent à l’horizon.

 

L’autre attitude, au contraire, est plus distante, plus neutre, trop hésitante certainement. Cette approche ne fait pas de l’enfant le centre du monde et lui suggère qu’il est responsable de lui et qu’on ne pourra pas toujours veiller sur lui ; qu’il doit peu à peu se prendre en charge, devenir autonome et affronter les conséquences de ses actes…attitude qui pourrait à la limite aller jusqu’au désintérêt, jusqu’au rejet. Huit ans et déjà il fait seul ses devoirs, ses leçons et prépare son repas du soir parce que papa et maman rentre tard du travail…

 

Trouver la juste distance

Les parents se reprochent souvent de n’être pas assez disponibles, de ne pas savoir aimer l’enfant ou parfois de trop l’étouffer d’affection, d’exigences, de remontrances, de présence… et leur entourage leur fait les mêmes reproches contradictoires. Trouver la juste distance, différente pour chaque enfant, est un point crucial pour la réussite d’une adaptation en phase scolaire : être présent comme parent sans étouffer l’enfant par sa propre demande affective… C’est sa demande à lui – ou son absence de demande –, qui devrait guider le parent.

 

À l’âge de la scolarisation, le rôle de parent est donc totalement différent de celui que les adoptants ont tenu jusqu’ici et qu’on attendait d’eux dans les mois et les années suivant l’adoption. Les parents doivent dorénavant exercer leur responsabilité en gardant une certaine distance par rapport à la vie scolaire de l’enfant.

 

« Se tenir autour », et non dans le « sac d’école». Les psychologues parlent de « surveillance » plutôt que de « contrôle ».

 

La contrainte adoptive

Pour plusieurs parents adoptants, il est néanmoins particulièrement difficile de donner un peu de longueur à la corde, d’autant qu’ils sont encore invités à nourrir l’enfant d’affection; de le porter; de « jouer au petit bébé »; de leur servir un biberon de lait chaud advenant que la carence affective ait laissé des maques extensives. La porte de l’école peut donc demeurer fermée aux yeux de l’enfant faute d’une « permission parentale » authentique et de la confiance qui lui permettrait de s’y engager « pour vrai ».

 

Le vécu émotif du parent face à ses propres études ainsi que ses craintes et ses ambivalences concernant la séparation provoquée par l’entrée à l’école d’un enfant qui a déjà « tant souffert » peuvent ainsi être subtilement transmises à l’enfant, et sans que celui-ci en ait conscience. À sa décharge, il faut dire que le parent adoptant, avec son vécu souvent semé d’embuches et d’attentes est souvent aguerri en matière des pertes et de deuils à gérer.

 

Les égarements parentaux se retrouvent aussi bien en parentalité biologique qu’en parentalité par adoption, mais ils prennent néanmoins une dimension particulière dans les familles adoptives qui réalisent vite que le temps s’est écoulé trop rapidement avant l’arrivée de l’autobus scolaire. Six mois, seize mois ou même deux ans de moins de maternage et de paternage, ce n’est pas rien, ça compte.

 

Les adoptants castrants

Le manque de confiance de certains parents ultra-protecteurs risque pour sa part de provoquer chez l’enfant des difficultés d’intégration scolaire. Le risque est grand aussi de faire du coup de ces enfants des enfants-rois – Boris Cyrulnik les appelle « les nourrissons géants » — qui n’arriveront pas à se tirer d’affaire, une fois sortis de leur « palais doré ». De fait, certains parents tardent de fait à imposer des limites aux enfants, et qui plus est s’ils considèrent « qu’ils font pitié », « qu’ils ont souffert », etc., et persistent à faire pareil lors du passage vers l’école. Indirectement, ils nourrissent ainsi l'anxiété des enfants et nuisent à leur apprentissage de la séparation et de la différence.

 

Cyrulnik, toujours, cite S. Lessourd, dans "La passion de l’enfance" comme entrave posée à la naissance du sujet” : « L’enfant englué dans une impossible séparation, contraint à être satisfait, voire enfermé dans une impossible dette pour tenter son autonomisation vers et contre des parents irréprochables, ne va pouvoir montrer sa différence que dans une violence de refus.»

 

Les adoptants absents

Ailleurs, le risque existe aussi de voir des parents, ou un des deux parents, désinvestir complètement la situation scolaire. Bien que plus rare, cette situation clinique s’observe à l’occasion lors d’une séparation parentale du couple adoptant où le père, notamment, délègue à la mère la totalité de la responsabilité en matière de scolarisation.

 

Un examen de conscience

Au lieu de faire « plus», les « bons » parents devraient plutôt faire « autrement».

 

Dans la vie de tous les jours, un enfant qui n’a pas la « permission » de s’engager pleinement à l’école peut avoir du mal à établir des relations significatives avec ses enseignants et parfois même avec ses pairs. Il peut se retrouver en conflit réel de loyauté envers ses parents s’il ressent leurs craintes de le voir entrer à l’école. Lorsque ceux-ci ont une piètre opinion de l’école elle-même, le conflit risque en plus de s’aggraver.

 

À l’instar de tous les parents, le parent adoptif est donc invité à faire son examen de conscience face à l’école, à la valeur qu’il lui accorde, aux points forts et aux écueils de sa propre histoire scolaire. Comme enfant à l’école, le parent a vécu des succès, des échecs, des difficultés et des victoires. S’il ne sert à rien de dépoussiérer à outrance ses propres colères et frustrations envers l’école de son enfance, le fait de les reconnaître peut effectivement permettre au parent de ne pas les projeter sur l’enfant.

 

Toutes les expériences de vie font partie du bagage des parents, comme autant d’objets agréables ou désagréables dans un sac d’écoliers qu’ils traînent avec eux tout au long de leur vie adulte.

 

Il faut bien réaliser que ce que vit l’enfant à l’école va ainsi précipiter à nouveau les parents dans ces émotions truffées d’échecs et de succès. Ils doivent alors faire très attention de ne pas projeter leurs propres ambitions déçues, leurs propres fiertés, leurs adhésions ou rébellions contre l’autorité, leurs anxiétés face à l’examen de mathématique (s) ou la présentation orale. C’est vrai avec tous les enfants, mais pour toutes les raisons précédemment décrites les enfants par adoption sont particulièrement à risque d’être affectés par les zones d’ombre : l’abandon, la vie en institution avec de nombreuses figures adultes souvent discontinues ont leur part de conséquences sur le devenir scolaire. La blessure n’est pas derrière : c’est une étrange “accompagnante”

 

Plan de match

Donner de l’amour, exercer une discipline contenante, jamais humiliante, donner libre cours à l’imagination et à l’aventure en n’enfermant pas la vie quotidienne dans une nuée d’activités parascolaires contraignantes, voilà déjà une bonne partance familiale.

 

Du pain et des jeux!

Pour mieux endiguer les problèmes affectifs qui pourraient nuire à l’autonomie et à la confiance de l’écolier appelé à tisser de nouveaux liens d’attachement afin d’apprendre des autres, de s’intégrer et de s’engager dans sa vie scolaire, le parent adoptif est également invité à discuter avec d’autres parents, si possible des parents membres d’associations de parents adoptifs, pour échanger des moyens; à s’intéresser à la vie scolaire de l’enfant, mais sans l’envahir, sans exercer un contrôle excessif et sans imposer ses façons de faire; à laisser l’enfant vivre ses expériences, à l’école tout en demeurant à l’écoute de ce qu’il vit; à surveiller, mais n’intervenir qu’au besoin.

 

Pour sa part, le parent inquiet a le devoir de prendre des moyens pour reconnaître ce qui engendre chez lui cette inquiétude persistante et pour trouver des moyens d’y faire face.

 

 

SOURCES

 

Lanchon, A. L’adoption, les ados en parlent, Paris, France, Éditions de la Martinière, 2004.

Lemieux J. L’enfant adopté et l’école : douze conseils pour un vécu scolaire réussi dans L’adoption internationale : démystifier le rêve pour mieux vivre la réalité. Le monde est ailleurs Inc. 2002: 77-83, réédition 2005.

Peyre, J. et Enfance et familles d’adoption Le guide Marabout de l’adoption, Paris, Marabout, 2002, réédition 2006.

Béliveau, M.-C. Au retour de l’école : la place des parents dans l’apprentissage scolaire. Montréal, Éditions de l’hôpital Sainte-Justine, 2004.

Béliveau, M.-C. J’ai mal à l’école : troubles affectifs et difficultés scolaires, Montréal, Éditions de l’hôpital Sainte-Justine, 2002.

Duclos, G. Guider mon enfant dans sa vie scolaire. Montréal, Éditions de l’hôpital Sainte-Justine, 2001.

Pleux, D. « Peut mieux faire » : remotiver son enfant à l’école. Paris : Odile Jacob, 2003.

Cyrulnik B. Parler d’amour au bord du gouffre, Odile Jacob 2007

Lessourd, S. "La passion de l'enfance" comme entrave posée à la naissance du sujet, Le journal des psychologues, no 213, janvier 2004, p.22-25, cité par Cyrulnik B. Parler d’amour au bord du gouffre, Odile Jacob 2007

 

LECTURES RECOMMANDÉES

 

Béliveau, M.-C. Au retour de l’école : la place des parents dans l’apprentissage scolaire. Montréal, Éditions de l’hôpital Sainte-Justine, 2004.

Béliveau, M.-C. J’ai mal à l’école : troubles affectifs et difficultés scolaires, Montréal, Éditions de l’hôpital Sainte-Justine, 2002.

 

 

ÉDUCATION

Les études et l’adolescence

Et si tu étudiais ….

2007

 

Par Étienne Gaudet, psychoéducateur

Montréal, Québec, Canada

Avec Le monde est ailleurs

Extrait de www. servicesvie.com/ Transcontinental

Dernière révision : 16 décembre 2007

 

Étudier c’est comme visiter un musée.  C’est à mourir d’ennui !  Jusqu’au jour où… tu visites un musée.  Jusqu’au jour où tu commences à étudier !  On se prend au jeu…  Prends garde !  On s’habitue à la réussite.   

 

Te voilà au secondaire…  Que faire maintenant ? Tes parents te disaient depuis quelques années que l’école secondaire, c’est une JUNGLE. Ton professeur de 6ème année a pris le temps d’expliquer à la classe comment cela fonctionne là-bas. Une visite a été faite dans ta nouvelle école pour faciliter ton intégration....  Pourtant, tes amis plus âgés qui sont déjà là te racontent qu’au secondaire, tu es beaucoup plus libre : les profs sont moins «exigeants», c’est toi qui décides si tu fais ou non tes devoirs.  Ils te disent surtout que les filles sont SUPER-WOW !

 

Effectivement, entrer au secondaire est un défi important. Mais le défi principal est de bien s’organiser pour réussir : l’école existe avant tout pour te faire découvrir de nouvelles connaissances, pour t’aider à apprendre, pour te nourrir de savoir.   Il peut être tentant de penser que la réussite scolaire va arriver facilement et qu’il vaut mieux garder ses énergies pour les choses vraiment essentielles comme les amis, le sport, le théâtre, le « look », le prochain party….

 

Malheureusement, la vie scolaire, ce n’est pas comme dans les livres d’Harry Potter : il faut plus qu’un coup de baguette pour que devoirs et études se fassent.  La vie à l’école secondaire ressemble davantage à la fable de Monsieur de La Fontaine, où un lièvre et une tortue se font la course. Pendant que la tortue s’applique à avancer, lentement mais sûrement, le lièvre, lui, batifole dans les champs, sûr de sa victoire, persuadé qu’il aurait toujours le temps de rattraper un adversaire aussi lent.  Mais la tortue avait compris que pour gagner, mieux vaut commencer tôt et se donner du temps.  Devine qui a gagné ?  Le lièvre, avec de la dope… Je plaisante, bien sûr.  C’est la sage tortue qui a gagné.

 

Et si tu étudiais, qu’est-ce que ça pourrait te rapporter ?

Réussir à l’école comme dans les autres secteurs de ta vie va automatiquement augmenter ton sentiment de compétence personnelle et ton estime de soi.  L’estime, c’est le sentiment que tu as ce qu’il faut pour réussir dans la vie, que tu seras capable, avec tes ressources personnelles, de faire face aux défis que la vie va t’amener.  Et comme le disent si bien les experts dans ce domaine, une bonne estime de soi, c’est un passeport pour la vie.

 

Réussir un examen ou une année scolaire n’a peut-être pas beaucoup de sens pour toi dans l’immédiat. Pourtant, chaque année scolaire que tu rates c’est une année de plus qui t’éloigne du métier que veux faire. Tu ne sais pas ce que tu veux faire ? Si tu travailles un peu plus fort à l’école, tu le sauras bien assez tôt : le métier qui est fait pour toi se révèlera plus facilement.  Pense à ce que tu veux faire plus tard, dans quel genre de maison tu veux vivre, quels pays tu veux visiter, et comment tu aimerais passer tes journées dans ton travail : donne-toi un rêve !  Et commence à faire ce qu’il faut pour le réaliser.  

 

Et si étudier t’amenait plus de liberté ? 

Souvent les parents sont derrière ton épaule pour vérifier ce que tu fais : as-tu  des devoirs ?  As-tu fait ton étude? Es-tu à temps dans tes travaux ?  Une bonne manière de faire cesser ce harcèlement « pour ton bien », c’est effectivement de mettre ton nez dans tes livres le soir.  Imagine le pouvoir que tu auras quand viendra le temps de négocier une augmentation de ta prime d’argent de poche ou une permission de sortir.  Souvent avec les parents, c’est donnant-donnant : à toi de donner de contribuer pour ta partie!

 

Certains n’aiment pas beaucoup l’école : peut-être fais-tu partie de ceux-là.  Peut-être est-il difficile pour toi de te motiver à te présenter chaque matin à l’école ;  j’imagine maintenant ce que c’est que de faire son étude et ses devoirs après le souper.   Idéalement, ce que tu souhaites, c’est te débarrasser de l’école le plus vite possible! Oui, mais comment faire ? Pas vraiment d’autre façon que de réussir.   Et pour réussir, il faut étudier. Chaque cours, chaque examen  et chaque année scolaire que tu réussis, dis-toi que c’est un bon pas vers ta sortie de l’école.

 

Et si étudier te donnait un meilleur pays ? 

Des gens qui ne sont pas contents de leur vie se plaignent souvent des politiciens et des gouvernements, comme si ces gens-là pouvaient être entièrement responsables de tous nos problèmes du quotidien.  En étudiant, tu n’ouvres pas seulement des portes pour toi-même, et pour le confort d’un bon salaire ; tu le fais aussi pour la société.  Savoir qu’on participe à quelque chose, que les gens reconnaissent nos talents, qu’on fait quelque chose d’utile pour les autres, c’est ça le bonheur, c’est ça qui donne un sens à la vie.  Aussi, plus on s’applique à l’école, et plus notre langue s’améliore. Dans leur grande majorité, les Québécois ne parlent que le français. Mais ils le parlent souvent très mal. La langue, ce n’est pas une guenille, c’est notre identité.  Il faut apprendre à la respecter un peu plus, et pour cela il faut s’appliquer à la  comprendre.

 

Et si étudier te donnait le goût d’étudier ? 

On compare souvent le cerveau à un muscle : plus il travaille, plus il est efficace.  D’un autre côté, plus il « végète », moins il performe.  Et si, en te donnant un  élan vers l’avant, tu constatais que tu as plus de talent que tu ne le croyais?  Peut-être cela pourrait t’amener à étudier plus longtemps.  Et qui dit plus d’études complétées dit habituellement de meilleurs salaires, de meilleures conditions de travail, plus d’autonomie professionnelle…

 

Vas-y, étape par étape. Tu viens de rater ton secondaire 2 et il te reste au moins 8 ans d’études devant toi avant d’arriver à ton métier, c’est plutôt décourageant.  C’est comme se trouver devant le mont Everest le matin et devoir arriver au sommet avant la fin de la journée : mission impossible.  Par contre, si tu considères l’école comme de l’escalade, ce qui compte, c’est toujours le prochain point d’ancrage, la prochaine étape à atteindre. En te fixant des objectifs à court terme pour tes études (le prochain test, la mi-étape, le prochain bulletin), tu as plus de chance d’atteindre tes objectifs sans te décourager.

 

Étude = Estime de soi = diplôme = travail = salaire = satisfaction

 

SOURCES

 

Lapointe, E. Réussir, ça s’apprend.  Trucs et conseils d’un étudiant qui réussit, Éditions Septembre, 2006, 96p.

Allô prof :   http://www.alloprof.qc.ca/

 

 

ADOPTION & SCOLARISATION

Difficultés et troubles d'apprentissage chez l’enfant adopté

2007

 

Par Jean-François Chicoine, pédiatre,

Marie-Claude Béliveau, orthopédagogue

Louise Lafleur , orthophoniste

& Johanne Lemieux, travailleuse sociale

Extrait adapté de: « Intervention en postadoption », CHU Sainte-Justine, 2007
Éditeur: Le monde est ailleurs, Qc., Canada

 

On peut parler de difficultés et de troubles d’apprentissage quand l’intelligence est préservée, mais le rendu affectif ou exécutif insatisfaisant, voire inopérant.

 

On parle plus spécifiquement de « difficultés d’apprentissage » quand les problèmes scolaires de l’enfant paraissent de caractère TRANSITOIRE. Chez l’enfant biologique comme chez l’enfant adopté, les obstacles à l'apprentissage sont des circonstances temporaires et ponctuelles. Les difficultés résultent de facteurs PROPRES À L’ENFANT (ex. insécurité passagère chez un enfant normalement solide et serein, tristesse ponctuelle, etc.) ou EXTÉRIEURS À L’ENFANT (ex. scolarisation prématurée, séparation des parents, changement d'école, nouvelles méthodes d'enseignement, déménagement de la famille adoptive, etc.).

 

Ces problématiques se traduisent par des problèmes de CONCENTRATION (l'enfant est distrait, lunatique) ; des problèmes d’ATTENTION (ex. l’enfant a de la difficulté à prioriser son attention sur une activité plus importante qu’une autre) des DIFFICULTÉS ACADÉMIQUES (ex. en lecture, en écriture, en mathématique) ; ou des PROBLÈMES DE COMPORTEMENT (ex. agressivité, repli sur soi) ; à la maison, comme à l’école.

 

Des difficultés d’apprentissage en adoption

En adoption internationale, la prévalence de ces difficultés transitoires paraît plus importante que dans une population moyenne. De fait, elles peuvent être précipitées par les multiples attributs socioaffectifs des enfants et de leurs parents adoptifs : insécurité affective, peur du rejet, désir de plaire, difficultés de séparation, individuation, immaturité, conflit de loyauté, révélation, confusions relatives au temps et à l’espace, etc. Elles sont d’emblée plus prévalentes chez les enfants au passé particulièrement lourd : syndrome d’alcoolisation foetale, négligence extrême, maltraitance, ruptures fréquentes, longue durée d’institutionnalisation.

 

Dans une série récente publiée par notre équipe et celle de l’université du Québec à Montréal, des enfants adoptés avant l’âge de 18 mois et parvenus à l’âge de 7 ans présentaient plus de défis intériorisés, dont des phobies, autant d’éléments anxieux capables de distraire l’attention nécessaire à l’exercice d’un devoir.

 

Bref, les difficultés d’apprentissage sont des problèmes reliés au du POURQUOI APPRENDRE. Bien que mineures, elles peuvent affecter de plein fouet la vie scolaire.

 

Des troubles d’apprentissage en adoption

On parle par ailleurs de « troubles d'apprentissage » quand on a affaire à des problèmes PERSISTANTS, permanents, résistants à l’intervention pédagogique et intrinsèques à l'enfant, mais – sans que ces problèmes soient liés aux capacités cognitives.

 

Ces troubles, non reliés à l’intelligence ou à sa maturation, influent tout de même sur les apprentissages et le comportement et se traduisent, entre autres, par des échecs scolaires répétés qui vont bien au-delà du « mauvais bulletin ». Ces troubles - également important à retenir- ne sont pas initialement attribuables à des problèmes d'audition ou de vision, à des facteurs socio-économiques, à des différences culturelles ou linguistiques, à un manque de motivation ou à un enseignement inadéquat ou aux particularités de la condition d’adopté ou d’adoptant,  bien que tous ces facteurs puissent aggraver les défis auxquels font face les enfants et les ados ayant des troubles d'apprentissage.

 

Parce qu’elles mettent en péril les apprentissages et la grande question du COMMENT APPRENDRE qui lui est sous-jacente, les troubles d’apprentissage peuvent certainement être éclairés par le passé génétique et environnemental de l’enfant : alcoolisme fœtal, petit poids de naissance, malnutrition, privations sensorielles, parents biologiques souffrant de dyslexie, etc. De fait, les troubles d'apprentissage découlent de facteurs génétiques ou neurobiologiques ou d'un dommage cérébral et témoignent d’une affection réelle dans le fonctionnement du cerveau, modifiant ainsi un ou plusieurs processus reliés à l'apprentissage.

 

Les enfants diagnostiqués avec un trouble de l'apprentissage se présentent donc à leurs parents, à leurs éducateurs avec des stratégies d'apprentissage, des conceptions temporelles et des capacités physiques sous-développées, des troubles de l'attention, des troubles de la perception, de la mémoire et de l'espace, et l'incapacité de suivre des instructions comparativement à leurs pairs, l’incapacité de lire et d’écrire normalement.

 

Les troubles d'apprentissage varient en degré de sévérité et affectent l'acquisition et l'utilisation du langage oral (aspects réceptif et expressif); du langage écrit, notamment, du côté de la lecture, l'identification des mots (décodage et reconnaissance instantanée) et la compréhension ; de l’écriture, ainsi dire l'orthographe et la production écrite ; et des mathématiques, notamment le calcul, le raisonnement logique et la résolution des problèmes. Les troubles d'apprentissage peuvent aussi impliquer des déficits sur le plan organisationnel, social, de même qu'une difficulté à envisager le point de vue d'autrui. Comme de petites « tumeurs secondaires », avec ou sans la présence d’une bonne « tumeur primaire », les troubles d'apprentissage viennent ainsi compliquer le diagnostic de l’enfant en souffrance affective.

 

La définition proposée dans le «Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux » DSM-IV et celle adoptée aux États-Unis dans le cadre de la loi publique 94-142 parle de « Trouble spécifique d'apprentissage » devant un désordre dans l'un ou plusieurs des processus psychologiques de base impliqués dans la compréhension ou l'usage du langage, oral ou écrit, lequel désordre peut se manifester par une habileté imparfaite à écouter, penser, parler, lire, écrire, épeler ou faire des calculs mathématiques ; le terme inclut aussi des conditions telles que les handicaps perceptuels, les accidents cérébraux, les déficits d’attention avec ou sans hyperactivité, la dyslexie, l'aphasie congénitale et d’autres. Incidemment, le terme n'inclut pas les enfants ayant des difficultés d'apprentissage qui proviennent de handicaps visuels, auditifs ou moteurs, de retard intellectuel, de perturbation émotionnelle ou de désavantage environnemental, culturel ou économique. (« The Education for All Handicapped Children Act », 1975, Section 5B4). Au Canada, la « Définition nationale des troubles d'apprentissage » adoptée en janvier 2002 et retenue récemment par l'Association canadienne pour les troubles d'apprentissage fait référence à un certain nombre de dysfonctionnements pouvant affecter l'acquisition, l'organisation, la rétention, la compréhension ou le traitement de l'information verbale ou non verbale.  Ces dysfonctionnements affectent l'apprentissage chez des personnes qui font preuve des habiletés intellectuelles essentielles à la pensée ou au raisonnement.  Ainsi le diagnostic de troubles d'apprentissage se fait en l’absence de la déficience intellectuelle quoiqu’ils peuvent apparaitre dans le contexte d’un retard cognitif en récupération chez un enfant nouvellement arrivé. Comme il est difficile de préciser l’ampleur de la récupération, on imagine combien le diagnostic de troubles de l’apprentissage est fait difficile en adoption.

 

En adoption internationale, ces troubles véritables, insuffisamment répertoriés dans les études de suivi, apparaissent pourtant en présence d’une consommation de substances toxiques par la mère biologique, en raison d’une malnutrition prolongée, d’une carence sensorielle extrême et souvent même sans qu’on puisse identifier un problème étiologique précis. Durant le développement des zones sensibles du système limbique, avant 18 mois par exemple, l’enfant a vécu des carences, de la maltraitance et de la négligence. Il est donc attendu en quelque sorte que la maturation de son hippocampe, par exemple, qui a à gérer une bonne partie des facultés d’attention, ait été retardée ou endommagée. Des recherches animales existent sur la question ; on sait par exemple que chez le raton laveur carencé dans son environnement physique et affectif, le volume de l’hippocampe mesuré à deux ans est nettement hypotrophié.

 

Le contexte adoptif supposant des difficultés d’apprentissage transitoires, les troubles d’apprentissage apparaissent sous diagnostiqués parmi la population d’adoptés. De fait, malgré leurs attentes élevées, pour la majorité des familles l’enfant adopté a toutes les raisons affectives de performer plus difficilement à l’école. Parfois, ils en arrivent ainsi à négliger des éléments instrumentaux aux conséquences cliniques plus ou moins sévères et les services orthopédagogiques ou orthophoniques qui normalement s’y associent. Environ 10 à 15 % des enfants vont présenter un trouble d’apprentissage, proportion qui est sans doute bien plus élevée dans la population adoptive, où  un enfant adopté sur 5 présente des troubles vérifiables dans une masse déjà majorée d’autres enfants en difficulté.

 

Comme toujours, en adoption internationale, il s’agit de pouvoir mieux cerner ce qui est réellement pathologique, de l’ordre du trouble, dans un ensemble où il est aisé de comprendre que la majorité des enfants peuvent éprouver quelques difficultés transitoires, notamment précipitées par leur style affectif insécure.

 

Les troubles d'apprentissage durent la vie entière. Par exemple, un dyslexique restera dyslexique à l’âge adulte, même s’il a eu l’occasion de développer des compensations. Toutefois, leurs manifestations varient tout au long de la vie et sont tributaires de l'interaction entre les exigences du milieu, les forces et les besoins de l'individu.

 

Une intervention conséquente

Un haut degré de suspicion doit accompagner l’intervenant en adoption. Par exemple, un rendement scolaire en deçà de celui anticipé, au même titre qu'un rendement obtenu au prix d'efforts et de soutien dépassant largement ceux normalement requis, sont des indices de troubles d'apprentissage. À l’examen, la découverte d’un périmètre crânien sous le troisième percentile de croissance à l’arrivée, sans égard à la récupération, pourrait se voir annonciatrice d’un futur problème d’apprentissage.

 

À noter qu’un enfant adopté en bas âge qui se développe normalement y compris au niveau du langage peut ultérieurement présenter des difficultés d’apprentissage subtiles, impossibles à diagnostiquer à un si jeune âge. D’autres enfants adoptés plus grands, à 4, 5 ou 6 ans par exemple peuvent immédiatement manifester des signes symptomatiques de troubles d’apprentissage. On imagine les complications linguistiques pour établir un diagnostic et élaborer un plan de suivi quand la langue maternelle est le vietnamien ou le russe. Il devient alors incontournable de tenter d’identifier un intervenant s’exprimant dans la langue d’origine de l’enfant; il est mieux placé que d’autres pour comprendre que les difficultés ne sont pas toujours qu’un problème de langue et de communication, mais de langage et de communication.

 

En dehors des prédispositions génétiques et de la grande prématurité, les incidents périnatataux, la malnutrition fœtale, la malnutrition prolongée, tout incident pré ou postnatal, notamment l’exposition à des produits toxiques durant la vie fœtale, ont pu entraîner des dysfonctionnements neurologiques, coexistant ou non avec d’autres problématiques organiques, affectives ou cognitives que le participant est à même de tenter d’identifier dans l’histoire transmise de la vie préadoptive de l’enfant.

 

Les signes précurseurs d’un trouble d’apprentissage peuvent être difficiles à percevoir, surtout dans un contexte où il est prévisible que les enfants aient des difficultés d’apprentissage reliées notamment à des attachements insécurisés. Aussi, plusieurs symptômes cliniques de trouble d’apprentissage, des problèmes de sommeil, d’alimentation, des comportements impulsifs, une incapacité à sentir le danger font effectivement partie du pain et du beurre de la médecine de l’adoption. On remarque ici à quel point tout cela est plus ou moins directement tributaire du degré d’observation des parents, de leur tolérance par rapport aux problèmes identifiés et des rapports écrits ou des conversations disponibles avec l’éducateur ou l’enseignant. Certains signes de troubles d’apprentissage sont plus subtils que d’autres, plusieurs se confondent avec les séquelles des blessures affectives.

 

Un dépistage précoce et une intervention appropriée aidant l'enfant atteint de troubles d’apprentissage à s'adapter et à améliorer les déficits, un diagnostic plus élaboré va souvent s’imposer. Le processus d’évaluation peut être mené à l’initiative du parent, du professeur, de l’infirmière ou du médecin. Il est important de mettre en évidence les points forts de l’enfant et de ne pas s’attarder seulement sur ses points faibles. L’enfant adopté qui va vivre avec un trouble d’apprentissage sera doublement interpellé par « ses démons intérieurs », stressants il va sans dire, comme tout état ou maladie chronique.

 

Apprendre, c’est acquérir des connaissances et des habilités. À l’étape de la réception ou de la perception, l’information est enregistrée au cerveau. Puis, à l’étape de l’intégration, l’info doit être décodée. Une fois l’info enregistrée et intégrée, elle doit être mémorisée, c’est l’étape de la mémorisation. Enfin, cette information doit être communiquée ou se traduire en une action à l’étape de la production ou de l’exécution. Toutes ces étapes doivent être explorées en présence d’un enfant qui présente un trouble d’apprentissage.

 

 

ADOPTION & SCOLARISATION

Le syndrome de la mascotte

2007

 

Par Jean-François Chicoine, pédiatre,

& Johanne Lemieux, travailleuse sociale
Extrait adapté de:
« Intervention en postadoption », CHU Sainte-Justine, 2007
Éditeur: Le monde est ailleurs, Qc., Canada

 

Les enfants adoptés ne passent pas inaperçus, particulièrement s’ils se retrouvent dans un milieu où il y peu de diversité ethnique.

 

Bien avant leur adoption, certains de ces enfants ont su utiliser efficacement leur côté charmeur pour recevoir plus d’attention et de soins de la part des nounous. Ce sont de vrais survivants; autrement, ils seraient morts.

 

D’autres enfants adoptés ont de réelles difficultés d’attachement, pratiquent l’hyperséduction et ont  tendance à sur-socialiser. On se rappellera qu’il est souvent plus facile pour eux de fonctionner en groupe qu’en famille ou sous la supervision d’un prof par exemple ; chez plusieurs d’entre eux, l’adaptation pose en effet souvent moins de problèmes que l’attachement.

 

« Ta » petite Chinoise

Après leur adoption, des enfants adoptés vont continuer à bien tirer leur épingle du jeu. Ils sont ultra gentils et se montrent irrésistibles en faisant le petit clown ou la petite charmeuse afin d’obtenir des faveurs et des feed-back positifs de la part de la famille, des voisins, etc. Ils deviennent facilement la « mascotte » de l’école, et ce, dès la maternelle. Tout le monde connaît leurs noms, les plus grands les prennent dans leurs bras, les cajolent, jouent avec eux comme on joue avec de petits bébés. Ils font vite « craquer » bien des adultes, qui leur accordent volontiers leur faveur et toutes sortes de petits passe-droit : « En tout cas Sylvie, moi je veux « ta » petite Chinoise dans ma classe l’an prochain. »

 

Bien entendu, il y a un bon côté à cela, mais aussi un autre plus insidieux: l’enfant en question doit grandir et être capable d’avoir des relations sociales égalitaires en se comportant selon son âge et non pas en jouant toujours au bébé.

 

Viendra aussi le jour où tout le monde ne l’aimera pas. À défaut de n’avoir pas pu renoncer à certaines illusions, autrement dit, de n’avoir pas pu exercer sa « fonction de désillusion », il risque de ne pas comprendre pourquoi. Toute cette attention pouvant devenir très étouffante, il cherchera éventuellement à passer totalement inaperçu; à s’enfermer solidement dans un rôle dont il n’osera pas sortir, de peur de déplaire et d’être rejeté.

 

Parents et éducateurs doivent parfois intervenir pour calmer les ardeurs et les élans d’affection des enfants et des adultes responsables. On doit aussi expliquer à l’enfant que c’est tout à fait normal que tout le monde ne l'aime pas, qu’il a le droit de refuser les câlins de purs étrangers, qu’il n’a pas à faire le clown s’il n’en a pas envie. Dans ce contexte, l’immaturité, le retard développemental ainsi qu’un attachement plus ou moins insécurisé doivent renflammer la guidance parentale.

 

APPRENTISSAGES

Convergence ou divergence: le petit garçon malade d’éducation

2007

 

Par Jean-François Chicoine

Pédiatre, Québec, Canada

Extrait adapté de: "L'ascendance de l'écolier"

UDAPEL, Versailles, janvier 2007


Un petit garçon s’en allait un jour à l’école. Un matin, l’enseignante du petit garçon annonce : « aujourd'hui, nous allons faire un dessin. » L’histoire est racontée par Germain Duclos dans « Guider mon enfant dans sa vie scolaire ». Duclos est un confrère orthopédagogue au Québec et il y est notamment connu pour ses interventions publiques en faveur de la cause des écoliers.

 

« Faire un dessin? …Parfait! », pense le petit garçon, qui aussitôt sort sa boîte à crayon pour dessiner un lion. Or l’enseignante ajoute : « Nous allons dessiner des fleurs… » « Parfait! », se dit le petit garçon qui aime aussi dessiner des fleurs rouges avec des tiges orange. Et il s’exécute…Mais une fois de plus l’enseignante l’interrompt et dit : « Attendez, je vais vous montrer comment ». Elle se met alors à dessiner une tige verte avec une fleur blanche. « Voilà, dit-elle, maintenant, vous pouvez commencer. »

 

Le nouveau conformisme

Le petit garçon préfère sa fleur rouge à tige orange à la fleur blanche à tige verte de l’enseignante, mais, bon prince, il retourne tout de même sa feuille pour dessiner une fleur identique à la commande. De jour en jour, le petit garçon apprend à attendre, à observer et à faire les choses de la même manière que l’enseignante. Il fait très bien les choses d’ailleurs. Ses parents sont ravis.

 

Il s’adapte…

 

Puis un jour, le petit garçon et sa famille déménagent. Dès son premier jour d’école, sa nouvelle enseignante annonce : « Aujourd'hui, nous allons faire un dessin. » « Parfait! », se dit le petit garçon en attendant que l’enseignante lui dise quoi faire. Or celle-ci ne dit rien, se contentant de vaquer entre les pupitres.

 

— « Tu ne dessines pas? », demande-t-elle au petit garçon

— « Oui, mais comment-vais-je dessiner mon dessin? », lui répond-il.

— « Comme tu le veux, voyons! »

— « Avec n’importe quelle couleur? »

— « Bien sûr », dit la jeune femme, « si tout le monde faisait le même dessin et utilisait la même couleur, comment je saurais moi, que c’est toi qui a fait le dessin ? »

 

Sur ce, le petit garçon se met à dessiner une tige verte avec une fleur blanche.

 

La convergence et la divergence

La pensée convergente implique qu’on impose à l’élève une démarche prévue par l’adulte et qui fait appel presque uniquement à l’imitation. Bien sûr, « Faire semblant » est l’une des bases essentielles de l’apprentissage. Pour le parent, l’éducateur ou l’instituteur, il ne s’agit donc pas de ne jamais dire, il s’agit surtout de savoir ASSEZ dire pour laisser suffisamment faire.

 

Car l’autre base fondatrice des apprentissages est le jeu, vous le savez bien, non pas le jeu, le fait remarquer Bettelheim, comme dans « games » en anglais, mais le jeu comme dans « play », qui est l’activité constitutive de la capacité de réfléchir.

 

Un enfant qui sait jouer, ou qui en l’occasion, est capable de concilier son monde avec le monde extérieur. Des recherches ont d’ailleurs souligné l’impact potentiel de la créativité, telle qu’elle s’exprime à travers le jeu, sur la capacité future de la personne à résoudre les problèmes de façon originale, les défis académiques y compris.

 

L’espace créateur

Dans Famille, qu’apportes-tu à l’enfant? l’un de mes maîtres, le pédopsychiatre Michel Lemay a écrit : « enfanter, puis aimer son enfant, c’est d’abord et avant tout lui donner un espace où il puisse se créer. »

 

Passer d’une activité dirigée à une autre ou d’un cours à un autre et d’une sortie à une autre, cela fait peut-être des enfants cultivés, mais cela ne favorise pas nécessairement l’autonomie et la créativité. Le besoin de l’enfant, et qui plus est du bébé, est d’avoir du temps LIBRE passé à proximité de Son parent, de Sa nourrice ou de Son éducatrice qui lui procure SA sécurité physique et permet ainsi à SA créativité d’émerger. Utilisée comme moyen unilatéral d’apprentissage, et qui plus est de plus en plus prématurément, la pensée convergente fabrique à travers les années des élèves passifs, conformistes, pas franchement drôles, ni bien dans leur peau, ni avec celle des autres.

 

À trop vouloir programmer et forcer l’épanouissement biologique, on oublie la part originale du jeu qui est ni d’occuper l’enfant, ni de l’éduquer, mais bien de favoriser son inscription dans le monde.

 

Imiter, non pas créer

Cependant, entre la part grandissante faite à l’imitation et celle de plus en plus étriquée réservée au jeu, nos sociétés, pourtant dites de loisir, se débrouillent de moins en moins bien. Et elles jettent dorénavant leur dévolu sur des petits garçons et des petites filles de plus en plus en plus jeunes.

 

On aurait presqu’envie de parler d’éducophilie.

 

La pensée symbolique

Entre 18 mois et 2 ans, l’enfant développe une pensée symbolique, c'est-à-dire qu’il commence à se représenter des objets qui ne sont pas présents, en les désignant par des symboles. S’il entend le mot « pomme » par exemple, il pense maintenant à un objet rond, rouge et délicieux. Il sait dorénavant se souvenir de sa mère sans l’avoir directement sous ses yeux, ce qui est hautement sécurisant.

 

Mais qu’on se détrompe, l’enfant de deux ans ne fait pas que reproduire et mimer, il joue à imiter, bref, déjà il invente. En transformant un bout de carton en salade, il développe de jour en jour tout un bagage de symboles qui expriment l’essentiel de ses fantasmes. Du coup, cela développe son sens de l’humour. C’est en s’amusant de la destruction de la salade en carton que l’enfant prend le recul nécessaire face à l’imprévu.

 

Une multitude de questions 

Entre 2 et 3 ans, le bébé commence ensuite à poser une multitude de questions sur le monde. C’est la période du « C’est quoi, ça ? » Beaucoup de questions sur les règles sociales vont devoir être résolues à cet âge. C’est à cette époque que l’enfant qui a la chance de jouer à côté de ses parents, de sa gardienne ou de son éducatrice réalise que l’adulte connaît une foule de choses.

 

L’imaginaire triomphant

Plus tard, dans l’imaginaire triomphant de l’enfant de 3 ans, le vrai côtoiera de plus en plus l’irréel, mais sans que l’enfant s’y perde, comme si cette époque précieuse de la vie lui permettait de répéter la vie avant d’aller la jouer.

 

Je cite le pédiatre Julien Cohen-Solal dans Protégeons nos enfants : « Que doit faire un enfant à deux ans : jouer ; à trois ans : jouer ; à quatre ans : jouer ; à 5 ans : jouer ; après on peut voir ! »

 

La peau de chagrin

Au cours de l’existence humaine, la pensée qui permet la créativité va immanquablement rétrécir comme une peau de chagrin, c’est du moins ainsi que le veut la physiologie du cerveau. Le foisonnement créatif doit donc être encouragé, valorisé, stimulé, au moment opportun.

 

Car non seulement le moment ne repassera pas, mais, advenant une rencontre avec une institutrice à tige verte, on ne le RÉCHAPPERA pas.

 

Le droit à l’enfance, c’est aussi cela, l’opportunité de pouvoir faire la bonne chose et au bon moment. Comment se fait-il, pour dire à la québécoise, que les adultes soient si durs de comprenure ?

 

Que cette valeur ne leur apparaisse pas d’emblée comme inconditionnelle ?

 

La dictature du temps

C’est peut-être une question de temps ? Imiter, ça donne des résultats, ou pas, mais qui ont le mérite de se mesurer dans l’immédiat. Jouer, c’est glander selon toute apparence, ce n’est pas assez instantané…

 

Du point de vue des adultes pressés, ça peut paraître hasardeux.

 

SOURCES

Bettelheim, B. A good enough parent. New York, Alfred A. Knopf, 1987. Pour être des parents acceptables. Traduction française, Paris, Robert Laffont, 1988.

Chicoine, J.F. et Collard, N. Le bébé et l’eau du bain. Montréal, Éditions Québec-Amérique, 2006.

Cohen-Solal, J. Protégeons nos enfants. Paris, Éditions Héloïse d’Ormesson 2006 

Dyer, W. : Les dix commandements pour réussir l’éducation de vos enfants. Paris, Belfond, 1988; pp 123-161

Duclos, G. Guider mon enfant dans sa vie scolaire. Montréal, Éditions du CHU Sainte-Justine, 2006, deuxième édition.

Ferland, F. Le développement de l’enfant au quotidien : du berceau à l’école primaire. Montréal, Ferland, F. : Et si on jouait? , Montréal, Éditions de l’Hôpital Ste-Justine, 2002

Éditions de l’hôpital Sainte-Justine, 2004.

Winnicott, D. W. : Jeu et réalité. Édition Gallimard, 1975/Folio essais #398, France 2004,277 pages

Adaptation de L’histoire du petit garçon paru dans Un bol de bouillon de poulet pour l’âme, Montréal, Éditions Sciences et Culture, 1997 cité par Duclos, G. Guider mon enfant dans sa vie scolaire. Montréal, Éditions du CHU Sainte-Justine, 2006, deuxième édition.

 

LECTURES RECOMMANDÉES

 

Duclos, G. Guider mon enfant dans sa vie scolaire. Montréal, Éditions du CHU Sainte-Justine, 2006, deuxième édition.

Lemay, M. Famille, qu’apportes-tu à l’enfant. Montréal, Éditions de l’hôpital Sainte-Justine, 2001


 

 

 

Photo LMEA Un morceau de dinosaure, France 2002

 

 

 

Photo LMEA, Voisine du train, France 2002

 

 

 

 

Photo LMEA, Petite école à Oulan-Bator, Mongolie 1997

 

 

 

 

Dernière révision: Janvier 2014

 

 

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