Notre expertise

 

Marie Desjardins / Écrivain

 

MARIE DESJARDINS

 

Écrivain

Montréal, Québec, Canada

(ici en compagnie de Jean-François Chicoine)



 

 

Marie Desjardins

Notice biographique

2014

 

Marie Desjardins est écrivain. Après avoir enseigné la littérature à l’Université McGill, elle s’est consacrée à l’écriture et au rewriting, travaillant avec de nombreux auteurs au Canada et en France.

 

Elle a publié une quinzaine d’ouvrages et une centaine de reportages dans des magazines. En 2003, elle participe aux textes d’Abandon, adoption, autres mondes de Le monde est ailleurs. Elle a récemment fait paraître Sylvie Johnny Love Story, le tout premier roman sur la passion de ces chanteurs français ainsi que Nelly Arcan, de l'autre côté du miroir avec Marguerite Paulin et À la découverte de Jehane Benoit, le roman de la grande dame de la cuisine canadienne, toujours avec Marguerite Paulin. Elle travaille catuellement à un ouvrage sur Vic Vogel et à un autre, sur une tragédie d'enfance.

 

Ses romans et ses biographies se distinguent par une singulière profondeur psychologique, et l’exploration multiple du thème de l’enfance. Dans Les yeux de la comtesse, elle analyse la célèbre petite Sophie, devenue comtesse de Ségur. Dans Marie, une enfant qui va mourir. Dans La voie de l’Innocence, les aléas de la vie d’un jumeau mal-aimé et la force qu’il faut pour transcender la fatalité. Enfin, dans Sylvie Johnny Love Story, elle décrit le parcours des stars à la lumière symbolique du portrait des enfants qu’ils étaient.  

 

Pour tous renseignements sur le travail et les livres de Marie Desjardins, écrivez à : forumwriter@yahoo.ca ou consultez le site : mariedesjardins.com

 

Marie Desjardins

Auteur

2014

 

 

À la découverte de Jehane Benoit

Le roman de la grande dame de la cuisine canadienne

Récit

(avec Marguerite Paulin), Montréal, 2012, Les Éditeurs réunis

 

À la découverte de Jehane Benoit


Une vente-débarras chez Jehane Benoit, récemment décédée, incite un journaliste à partir à la recherche de celle qui fut la première vedette de la cuisine au pays. Au fil d'une vaste enquête ponctuée de rencontres, de trouvailles et de questionnements, l'homme rassemble les ingrédients qui constitueront un portrait intimiste de cette gastronome, cuisinière, écrivaine et animatrice de radio et de télévision. Le regard du journaliste nous montre une femme émancipée, attachante et surprenante à plusieurs égards. Auteur prolifique de quelque vingt-cinq ouvrages de cuisine, Jehane Benoit fera parler d'elle d'un océan à l'autre, et de par le monde. Savoureuse recette mêlant réalité et fiction, avec en toile de fond le Québec des années 1950 et 1960, ce roman biographique original rend un premier hommage au talent, à la détermination et à l'héritage indélébile que nous aura laissé Jehane Benoit.

 

Sylvie Johnny love story

Roman

Montréal, 2010, Night Collection, Transit éditeur

 

Le soir, dans la chaleur des esprits et des corps, autour de la table d’acajou, on partageait le pain, un plat de pommes de terre, un petit morceau de viande si on en avait trouvé, le Slivova avec de la chance. On parlait beaucoup mais sobrement, on riait mais doucement, on échangeait souvent des regards graves. Glissée entre sa mère et son père, Sylvie ne laissait pas une bouchée dans son assiette. Elle se tenait tranquille. Elle souriait. On aimait croire que son lapin, sa poupée et le petit jardin dans lequel elle jouait sous la surveillance affectueuse de son grand-père la préservaient de cette peur planant sous le halo jaunâtre du lustre de la salle à manger et figeant les sourires. Son frère avait un air buté. Son grand corps d'enfant de douze ans était ramené sur lui-même. L'agitation de ses pieds sous la table et toute sa nervosité contenue indiquaient que la vie dans cette maison pouvait bientôt se consumer comme des cheveux qui brûlent en crépitant et qui sentent le roussi. 

 

Sylvie vient de ces pays où règne la cruauté.

 

Elle vient de ces pays que l'on fuit quand on le peut pour trouver la liberté.

 

L’enfance de Johnny avait-elle été si noire?

 

Lorsqu'il revit sa mère, deux ans après qu'elle l'eût abandonné, bien malgré elle, il ne la reconnut pas. C'était à Londres. Le petit Johnny n'en avait que pour la tante qui l’avait recueilli, ancienne actrice du cinéma muet; et pour ses cousines danseuses et leur univers, théâtres, cabarets et cirques. Sa mère insista, rappela des souvenirs, le prit longuement dans ses bras. Johnny reconnut vaguement son odeur, mais resta insensible aux larmes que cette femme, un mannequin qui avait refait sa vie, versait dans son cou. Il n'était pas question qu'il perde une deuxième fois celle qui revenait le hanter dans ses rêves et l'envahir de cet amour auquel il avait appris à renoncer, sans savoir ni comprendre que ce manque grugeait chaque jour un petit morceau de son âme.

 

Petit, il s’était perdu au bord de la mer, au bord de l’Atlantique, dans un ancien champ de mines. C’était un miracle qu’il s’en soit sorti vivant. Celle qu’il allait rencontrer après avoir pleuré une fois de plus toutes les larmes de son corps s’était perdue elle aussi, enfant, au grand désespoir de ses parents. C’était le long d’une plage d’une mer lointaine – la mer Noire. On l’avait retrouvée des heures plus tard; elle lavait tout simplement ses chaussettes.

 

L’enfance est une allégorie de toute la vie à venir.

 

Marie

Roman

Montréal, 2010, Night Collection, Transit éditeur

 

Cependant Marie vivait, sans crainte du lendemain, malgré une petite angoisse qui enserrait parfois son cœur et gênait son souffle. Mais il suffisait d’un morceau de sucre à la crème, d’une promenade au village ou d’une lettre de sa tante pour qu’elle redevienne légère. Elle était heureuse de l’amour qu’on lui portait, de celui qu’elle donnait, de son existence : à l’automne, les feuilles craquaient sous ses pas, un feu odorant crépitait dans la cheminée, son père étudiait dans son cabinet, sa mère abandonnait la vaisselle pour lire et faire de la musique, Paulette venait passer l’après-midi, le piano chantait Bach, Mozart et Chopin l’enchanteur. Cela, bien sûr, durerait toujours. La maison de Beloeil et les pins dans le parc, le bric-à-brac dans le garage et le hangar, le chien Tommy participant à leurs jeux étaient un éternel tableau vivant comme la rivière qui coulait jour et nuit, chaque seconde, intarissable, et que Marie aimait entendre l’été quand la fenêtre de sa chambre restait ouverte.

 

Marie était comme la rivière. Elle filait le long des berges, sautillait par-dessus les pierres et ne s’arrêtait jamais, même quand elle coulait lentement sous le ciel dont elle captait le reflet – une voûte qui l’épousait parfaitement, comme un linceul.

 

 

Joséphine Baker : la mesure de la démesure

Article

Abandon, Adoption, Autres mondes, Le monde est ailleurs 2003

 

Toute la vie de Joséphine Baker, immense star du music-hall, est une variation sur un même thème – un cheminement fourmillant de rebondissements, un unique leitmotiv : l’abandon et son corollaire, l’adoption.

 

Saint-Louis, États-Unis, 1906. Naissance de Joséphine Baker, dans les bas-fonds insalubres de la ville. Sa mère est métisse : amérindienne et noire.  Son père, Espagnol. Chanteurs et danseurs, ils joignent les deux bouts de peine et de misère. Un jour, au nom de sa carrière, le père abandonne la mère. Le destin a ainsi jeté ses dés sur Joséphine. Désormais, le rejet marquera son quotidien, comme la vermine grouillant dans son matelas et les rats grimpant sur la table bancale de sa famille éclatée. Sa mère la prend en grippe et lui trouve la peau trop claire.  Engagée comme bonne à dix ans, Joséphine dort sous un escalier et sa patronne, tyrannique, lui trempe la main dans un chaudron d’eau bouillante. Lorsque, en larmes, la petite fille revient chez elle, sa mère la jette dehors. Joséphine est un personnage vivant des contes de fées les plus cruels. Si elle a une prédilection pour La Petite fille aux allumettes, c’est néanmoins le culte de Cendrillon qui la sortira de sa misère.

 

La pensée est créatrice. Les rois, les reines et les palaces existent, tout comme les miracles. Agile et drôle comme un singe, Joséphine gagne un concours de danse. Le billet de un dollar qu’elle a empoché est le symbole annonciateur des millions à venir. Joséphine n’a plus rien à perdre et tout à gagner. Son ambition sans limites est à la mesure de son manque d’amour et de son besoin d’être adoptée dans tous les sens du terme. À 20 ans, elle conquiert le Paris des Années folles dans La Revue nègre. Peu à peu, des Folies Bergères au Casino de Paris, de l’Opéra au Théâtre des Champs-Élysées, la petite Noire impose son image exotique et affranchie : nue, roulant des yeux et balançant érotiquement des hanches sous sa célèbre ceinture de bananes, puis se transformant en meneuse de revue parée des tenues les plus sophistiquées. En dépit des critiques que suscitent ses performances scandaleuses, Joséphine est adulée par les plus grands personnages de la terre, et bel et bien adoptée par la Ville lumière.

 

Cependant, au fond d’elle-même, rien n’est réglé. Lorsque Mistinguett la traite de négrillonne de tout son mépris, Joséphine éprouve dans ses tripes la souffrance ancestrale de tout un peuple victime. Mais, survivant avec un acharnement d’exception dans le merveilleux chaos de son existence, la chanteuse-danseuse ne songe plus à se pencher sur la souffrance qu’ont engendrée chez elle l’abandon de son père et le rejet de sa mère, puisque le drame a eu lieu. Elle reste aveugle au fait que celui-ci fasse de nombreux petits...

 

Tout, chez Joséphine Baker, est démesuré et paradoxal. Ses colères et ses attachements, ses caprices et ses engouements, ses prodigalités et ses mesquineries. Elle a trop combattu pour être raisonnable. Trop souffert pour ne pas blesser à son tour. Elle possède des centaines de chaussures, une garde-robe d’impératrice, des voitures, des appartements et des manoirs remplis de domestiques. Ses plus beaux sourires et sa vraie tendresse sont destinés aux animaux qu’elle a adoptés et qui la suivent jusque dans sa loge : oiseaux, chats, chiens, lapins ; cochon, chèvre, guépard. Elle les aime mieux que ceux qui lui ont tendu la main. Elle a trahi sa première productrice avec toute l’ingratitude des êtres qu’on a piétinés, et répudiera son dernier fils adoptif dès qu’il montrera des signes d’affranchissement. Dans les lits et les maisons du «Serpent à plumes», les amants s’accumulent et déçoivent, tous comme les maris, auxquels Joséphine s’attache avec la passion de la panique. Quand les hommes l’abandonnent, elle s’effondre. Alors, seule Paulette, sa bonne, parvient à la tirer hors de sa léthargie morbide. Du fond de son lit, hypnotisée, Joséphine, 20 ans, 30 ans, 50 ans... écoute les contes de fées que cette femme lui lit – il n’y a que cela qui se rapproche d’une certaine chaleur maternelle qu’elle n’a jamais connue.

 

Tandis qu’elle multiplie les tournées mondiales, les films, les performances et les conquêtes, Joséphine dépérit à force de rêver d’enfants, et d’aimer tout simplement. Malgré ses prétendants, ses compagnons, ses employés, ses mobiliers, ses véhicules, ses fans et ses rares amis, elle est fondamentalement seule et sans famille. De bars en cabarets, au rythme des folles soirées parisiennes, les beaux jours s’éloignent et, après quelques fausses couches, Joséphine subit d’urgence une hystérectomie. Devant l’évidence, elle hurle comme une bête, recroquevillée sur elle-même, maigre, cireuse et dévastée. Plus tard, au fil de ses tournées, Joséphine adoptera douze enfants de toutes nationalités et religions, non pas pour combler son désir de maternité, mais bien parce qu’ils représentent à ses yeux autant de petits chats abandonnés qu’il faut sauver tout en faisant la preuve que Noirs, Jaunes, Blancs et Rouges peuvent vivre dans l’amour et l’harmonie. Mais la chanteuse déserte le refuge qu’elle leur a offert aussitôt que la scène la réclame. Toutes les intentions de cette tutrice sont bonnes, sincères et grandioses. Cette «Tribu de l’arc-en-ciel » qu’elle a créée, et fait vivre dans des châteaux mal gérés jusqu’à ce que les dettes la submergent – demeure le prototype d’un projet de famille recomposée d’une authentique profondeur, mais qui, en vérité, ressembla davantage à une pension d’orphelins plus ou moins bien tenue. Joséphine, surnommée Maman Cadeau, y apparaissait épisodiquement telle une fée, mais, envahie par ses propres souffrances, elle se métamorphosait bientôt en sorcière hystérique couvrant de son ombre tous ses actes de charité. Pour se protéger et survivre – eux aussi – ses douze enfants, complices, excluaient leur bienfaitrice de leur entente fusionnelle. Une fois de plus confrontée à la fatalité du rejet, et de nouveau hantée par son propre abandon, Joséphine Baker continuait néanmoins de vouloir panser toutes les plaies du monde, depuis celles de ses compatriotes lynchés à celles des enfants mal-aimés et maltraités.

 

Jusqu’à son dernier souffle, sous son enveloppe flétrie, la star aura été une petite fille incapable de verser une larme sur son propre malheur, bien trop grand pour son petit cœur innocent.

 

La voie de l’innocence

Roman

Montréal, 2001, Humanitas

 

Peter sentait qu’il n’était pas aimé. Il sentait aussi son jumeau, John, l'amour qu'il avait pour John, cet amour qui lui faisait mal au ventre quand John était malade, quand John réussissait mieux que lui à l’école et que leurs parents le félicitaient, et quand il partait jouer de son côté, avec ses amis à lui. Peter pressentait déjà que son existence serait un chaos, en comparaison de celle de John. Ils étaient dans la même chambre, dans le même lit, mais déjà opposés par une espèce de fatalité bien plus puissante que l’amour qu’ils éprouvaient l’un pour l’autre. Dans le noir, Peter épiait le souffle de John. Lorsque son frère sombrait dans le sommeil, son chagrin prenait son cœur tout entier. Il ne comprenait pas pourquoi toute cette injustice s’abattait sur lui, et il s’endormait, submergé de désespoir, convaincu qu’il serait vain d’appeler John au secours car John ne pourrait pas échapper à sa propre condition, pas plus que lui ne pourrait être délivré de la sienne. Pour changer la face de son existence, il n’y avait qu’une seule solution : faire, un jour, comme Peter Pan, quelque chose d’extraordinaire, un truc prodigieux, mais qui, pour l’instant, dépassait complètement son imagination.

 

Les yeux de la comtesse

Essai biographique

Montréal, 1998, Humanitas

 

Complexe Sophie, à la mesure de ses lieux, ville et campagne, double et partagée, libre et captive tels ses champs bordés de forêts et de chemins tortueux, aussi ordonnée que ses hôtels particuliers, ouverte, riant et imprévisible : son château aux cinquante fenêtres. Avec cette comtesse-là, rien n’est jamais sûr; au milieu des siens, elle demeure seule avec son histoire. Depuis sa naissance, elle va et s’ancre d’un lieu à l’autre, nomade et sédentaire, sauvage et civilisée, oscillante et réglée comme une pendule.

 

 

 

 

 

Marie Desjardins

Conférencière

2014

 

Marie Desjardins donne aussi des conferences, dont une majorité reliée au monde de l'enfance. Parmi les titres disponibles: Kateri Tekakwitha, la vierge iroquoise et La vraie histoire de la comtesse de Ségur.

Pour tous renseignements sur les conferences offertes par Marie Desjardins, écrivez à : forumwriter@yahoo.ca ou consultez le site : mariedesjardins.com

 

 

Dernière révision: Février 2014

 

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