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LA PRESSE

La deuxième mort d’Elvis

Par Aleksi K. Lepage, journaliste

 

SÉQUENCES

Comme au cinéma

Par Simon Beaulieu. journaliste

 

 

FILM: ACAPULCO GOLD


 

 

Se fiant naïvement aux résumés flous des dossiers de presse ramassés à la dernière minute, on écrivait ici, voilà plusieurs mois, que le prochain film d’André Forcier — dont on ne savait alors pratiquement rien — racontait les mésaventures d’un sosie d’Elvis perdu quelque part dans le sud. On était complètement dans le champ : Acapulco Gold ne s’intéresse pas du tout à la faune d’imitateurs à paillettes, mais au King lui-même, à sa mythologie et à son existence post-mortem. A.L.

 

 

LA PRESSE

La deuxième mort d’Elvis

Par Aleksi K. Lepage, journaliste

Montréal, Québec, 28 novembre 2004

 

Oui, existence post-mortem, vous avez bien lu : Elvis Presley le vrai l’authentique, n’est pas mort le jour de son enterrement; ce n’était pas lui. Le véritable King s’est éteint beaucoup plus tard, sous d’autres allures, sous un autre nom. C’est gros. Trop gros pour être vrai.

 

The Eternal Colonel 

Et pourtant, Forcier lui-même affirme en entrevue, et très sérieusement(le plus sérieusement possibles, du moins) avoir eu recours à une impressionnante documentation et à divers spécialistes afin de prouver l’invraisemblable théorie. Voici, en gros, toute l’affaire : le vieux Garrigues (Michel Maillot) connaît assez bien Elvis puisqu’il l’a rencontré en personne à l’aube des années 90, c’est-à-dire une quinzaine d’années après le décès officiel du King, et un mois avant sa vraie mort à Acapulco. Elvis se serait donc volontairement retiré du show-business pour devenir un vieux monsieur tranquille et plein de sagesse, une sorte de mentor spirituel que Garrigues appelle« The Eternal Colonel ».

 

Persuadé que cette étrange histoire devrait intéresser Hollywood, le vieil illuminé tentera de séduire et convaincre un jeune producteur américain (Mark Krasnoff) nommé Hank Sturzberg (clin d’œil à Richard Stursberg, ex-directeur de Téléfilm Canada). Garrigues garde précieusement avec lui des preuves irréfutables : photographies, reportages, études graphologiques, commentaires d’experts, etc. La comédie passe alors au documentaire passionnant et saisissant, à faire douter les incrédules, Forcier, mystificateur, s’amuse comme un fou, et c’est dangereusement contagieux!

 

Savoir-faire et poésie

Riez si vous voulez, c’est une comédie. Et l’une des plus étranges, des plus ésotériques, des plus originales et surtout, des plus drôles fabriquées chez nous depuis un sacré bout de temps. En vérité, on ne pourra comparer cette joyeuse excentricité signée Forcier qu’aux films de Forcier lui-même.

 

Fatigué de vous ses projets relégués aux bas tiroirs des bureaux institutionnels, tanné de poireauter en attente d’un peut-être ou d’un non (Téléfilm a mis pas mal de temps avant de s’intéresser aux États-Unis d’Albert, son premier film), Forcier a décidé de vider son portefeuille, de piocher dans son régime d’épargne et de faire appel à de bons amis pour venir à bout de cet Acapulco Gold qui lui tenait tant à cœur. Tout juste après l’ouragan Nouvelle-France, ce petit film, tricoté et agrafé avec amour, savoir-faire et poésie, fait un bien fou. On aurait envie de dire merci.

 

 

SÉQUENCES

Comme au cinéma

Par Simon Beaulieu. journaliste

Séquences : la revue de cinéma, Numéro 235, janvier-février 2005, p. 42

 

Dans les années 70, alors que les cinéastes québécois fouillaient corps et âme dans un réalisme tout-puissant, héritier d'un cinéma direct fondateur et transcendant, André Forcier, alors à ses débuts, cherchait autre chose, ailleurs. Non pas que la démarche du cinéaste s'opposait aux réflexes ambiants (et surtout culturels), qui consistaient à s'atteler aux cuisines et aux tavernes (L'Eau chaude, l'eau frette n'échappe d'ailleurs pas à cette réalité historique) afin de chercher l'homme québécois sous toutes ses coutures pour ensuite le nommer, mais celle-ci, à défaut d'être en état de rupture, s'aventurait seulement sur une pente qui n'était que très rarement empruntée (et ce, encore aujourd'hui) au Québec. Il faut dire que le joug du réalisme a toujours été très fort ici et que les cinéastes se permettant de s'en détacher, pour se projeter net dans un imaginaire émancipant, n'ont jamais été légion. Inutile de jouer la carte de la dichotomie, donc, mais soyons tout de même prudent et disons seulement qu'avec le cas Forcier le réalisme se nourrit à l'imaginaire comme on a besoin de sa dose d'héroïne. C'est une nécessité, un besoin vital, voire une condition de vie. Alors inutile de démêler les mailles de ce microcosme qui procède par emprunt d'un côté (le réalisme) comme de l'autre (la fantaisie) et regardons-le comme un tout homogène et original qui ne demande rien à personne, visant justement à éplucher en couches successives l'homme jusqu'à la moelle, d'abord dans les cuisines certes, mais ensuite et surtout jusque dans son imaginaire. C'est d'ailleurs à la rencontre de ces deux fronts que se place irrévérencieusement son plus récent long métrage présenté au dernier FNC, Acapulco Gold, qui raconte l'histoire d'un acteur d'origine française qui aurait rencontré Elvis Presley il y a environ treize ans lors d'un séjour à Acapulco. Quand on aligne froidement les éléments de cette histoire (apparemment véridique, c'est d'ailleurs le type qui a vécu réellement cette mésaventure qui incarne le personnage principal du film) du français renversé cul par-dessus tête par la rencontre du King toujours vivant, on reste plutôt amusé, surtout lorsque l'on est familier un tant soit peu avec l'univers de Forcier.

 

Est-ce possible ? Le cinéaste de la poésie pince-sans-rire s'est-il fait jouer un tour ? Mais la véracité du fait divers, malgré les convaincantes preuves exposées dans le récit (qui s'active pendant près de quinze minutes de façon très convaincante sur le mode documentaire d'enquête), n'est, après coup, d'aucune importance, surlignant à tort le caractère anecdotique d'une histoire qui est beaucoup plus profonde que ses sous-embranchements « faits diveresques », laissant entendre tout haut le style à l'emporte-pièce (mais parfois maladroit, faut-il mentionner) et l'audace rare d'un auteur extra-terrestre que l'on devrait saluer, étant probablement le seul (ici) à jouer dans de telles plates-bandes. Que l'on aime ou pas, il y a un style Forcier et une prose qui persiste indéniablement, un souffle et une démarche que l'on reconnaît entre mille et qui fait l'effet d'un grand bol d'air frais quand il nous passe sous le nez. Et ça, dans une cinématographie obsédée de plus en plus par les schèmes d'un star-system mort-né, c'est nécessaire. Ce qu'il y a de particulier avec Acapulco Gold, c'est que Forcier y a un ton doublement ironique puisque, ici, le caractère surréaliste du récit ne provient pas comme dans ses autres films d'un délire fictionnel mais bien de la réalité elle-même, d'un événement tangible et défendable, imposant à l'auteur ce que celui-ci s'est affairé à décrire dans ses scénarios pendant des années. Le film devient donc une sorte de fable quasi paranormale sur les choses exceptionnelles qui arrivent, sur l'indicible, le merveilleux, prenant Forcier à son propre jeu, pointant amoureusement du doigt la vie ordinaire des gens sans histoire qui vivent des choses extraordinaires, véritable clin d'œil à toute l'œuvre de Forcier et à l'humour-folie qui a forgé son répertoire.

 

La vie magique

Comme à l'habitude avec Forcier, il y a des choses qui ne s'expliquent pas ou plutôt qu'on ne veut pas expliquer, parce qu'on a peur peut-être de les faire mourir (comme l'amour dans Kalamazoo, par exemple). Il ne reste alors, une autre fois, qu'à regarder la vie jouer à saute-mouton, gardant un sourire en coin et jouant le jeu (comme on fait au cinéma) le temps que ça passe (ou que ça défile), se laissant croire (comme un gamin) que la vie peut parfois être magique. Il y a peut-être de quoi croire au père Noël mais qu'importe.

 

Comme disait Robin Aubert dans La comtesse de Bâton Rouge, qui incarnait d'ailleurs André Forcier lui-même, (je paraphrase) : « la vie fait rarement du cinéma ! Alors quand ça arrive pourquoi  s'en priver".

 

 

 

 

FICHE TECHNIQUE: ACAPULCO GOLD

 

ACAPULCO GOLD — Réalisation: André Forcier - — Scénario : André Forcier, Mark Krasnoff & Michel Maillot — Images : Daniel Jobin — Producteur : Les films du Paria/ Les films de la rue Marquette — Interprétation : Mark Krasnoff, Michel Maillot, Renaud Pinet-Forcier, Mike McLaughlin, Dor Cartier, Geneviève Brouillette & Jean-François Chicoine — 84 minutes — 1984

 

 

Derniere mise à jour: juillet 2014

 

 

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