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LA PRESSE

Du bon Forcier

Par Marc-André Lussier, journaliste

 

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Forcier, l'irréductible

Par Éric Fourlanty, journaliste


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Forcier, l'irréductible

Par Manon Dumais, journaliste


FILM : JE ME SOUVIENS





Photo les productions du Paria: Je me souviens



Une étude éclatée  sur les rapports amoureux, de la séduction à la trahison. Un drame social sur le capitalisme sauvage et l’exploitation des mineurs exploités. Un film politique sur la Grande Noirceur et liens entre l’église et le pouvoir. Une tragédie sur la vengeance d’une femme blessée. Une comédie de mœurs sur la vie d’une petite ville minière des années 50.Une fable poétique sur une fillette d’Abitibi qui ne parle que le gaélique.Une réflexion ludique et grave sur l’identité québécoise. Je me souviens, le 11e long métrage d’André Forcier, est tout cela et plus. E.F.

 

 

LA PRESSE

Du bon Forcier

Par Marc-André Lussier, journaliste

Extrait du quotidien : La Presse

Montréal, le jeudi 6 mars 2009

 

André Forcier s’est recentré. Après Les États-Unis d’Albert, une fantaisie ambitieuse à travers laquelle il s’était un peu perdu, celui que l’on surnomme «l’enfant terrible du cinéma québécois» propose aujourd’hui un film plus ancré dans la réalité. Sans ménager les fulgurances qui ont défini son cinéma, le réalisateur d’Au clair de la lune s’inscrit cette fois dans l’urgence de dire, de raconter.

 

Il s’attarde ainsi à décrire, à sa manière, une page occultée de l’histoire du Québec, celle des années 50. Une époque de grande noirceur bien sûr, mais aussi un temps où le militantisme commençait à ruer dans les brancards. Et où l’on commençait à revendiquer son identité. Œuvre de mémoire, Je me souviens parle aussi beaucoup aux habitants actuels d’un pays qui en oublie parfois sa devise.


Axé sur l’enfance

Très axé sur l’enfance, tant celle qui se vit dans la légèreté que celle qui se fait exploiter dans un monde d’adultes, le récit du nouveau Forcier s’articule autour d’une histoire de vengeance. Le combat que mène un modeste mineur communiste (Pierre-Luc Brillant) pour accéder à la présidence de son syndicat aura en effet des conséquences insoupçonnées dans ce patelin abitibien où l’on trime à la dure. Un rival (David Boutin), appuyé par la toute puissante Église (et la non moins puissante main duplessiste), se pose sur son chemin. Il y aura drame. Le petit garçon du communiste se liera d’amitié avec la fille du rival. Un étranger (Roy Dupuis) scellera leur destin d’une façon que seule un cinéaste possédant un univers aussi singulier pouvait imaginer.


Les images en noir et blanc confèrent ici au récit de magnifiques élans poétiques. Signées Daniel Jobin, celles-ci ne cèdent pourtant jamais à la surdose esthétisante, et préservent un climat d’âpreté qui colle parfaitement au ton du film.


Tous relèvent magnifiquement la gageure

Surtout, Forcier a su dessiner sa galerie de personnages avec une grande économie de moyens, les faisant exister simplement au détour d’une réplique inspirée ou d’une attitude un peu frondeuse. Les (nombreux) acteurs ayant pris du service pour la cause y vont d’ailleurs tous de performances généreuses, visiblement heureux de pouvoir se mettre en bouche la langue très particulière de l’auteur cinéaste. De Rémy Girard à Hélène Bourgeois-Leclerc; de Pierre-Luc Brillant à Céline Bonnier, sans oublier France Castel (étonnante en bourgeoise anglaise), Roy Dupuis et bien d’autres, tous relèvent magnifiquement la gageure de Forcier.


Élaboré avec très peu de moyens, sans l’appui des institutions, le réalisateur d'Une histoire inventée réussit un film qui emprunte ici toutes les allures d’un tour de force. Ne reste plus à souhaiter que Je me souviens le réhabilite. Le Québec n’a pas les moyens de se priver d’une telle voix.

 

24 IMAGES

Forcier, l'irréductible

Par Éric Fourlanty, journaliste

Montréal le 8 novembre 2009

 

Une étude éclatée  sur les rapports amoureux, de la séduction à la trahison. Un drame social sur le capitalisme sauvage et l’exploitation des mineurs exploités. Un film politique sur la Grande Noirceur et liens entre l’église et le pouvoir. Une tragédie sur la vengeance d’une femme blessée. Une comédie de mœurs sur la vie d’une petite ville minière des années 50.Une fable poétique sur une fillette d’Abitibi qui ne parle que le gaélique.Une réflexion ludique et grave sur l’identité québécoise.

 

Je me souviens, le 11e long métrage d’André Forcier, est tout cela et plus. Depuis Bar Salon, les films de Forcier sont irréductibles, dans le sens premier du terme, « qui ne peuvent pas être réduits ». Celui-ci plus que tout autre.

 

Nous sommes en 1949, dans une petite ville minière d’Abitibi. Difficile de résumer l’intrigue tant elle est touffue et menée à fond de train. Sur un fond bien dessiné de lutte syndicale, les destins d’une bonne douzaine de personnages se croisent et se heurtent, de la vengeance d’une veuve noire (Céline Bonnier) à  l’arrivée d’un bel Irlandais (Roy Dupuis), en passant par le mutisme d’une petite fille qui ne parle que le gaélique.

 

Si l’on dit souvent que les films de Forcier sont atypiques, c’est bien parce que la majorité de ceux projetés sur nos écrans sont formatés, étiquetés, conformes. Pas de classification possible ici. Ce qui est le cas de quelques cinéastes encore « résistants ». Varda, par exemple. Difficile de trouver deux films en apparence plus dissemblables que Je me souviens et Les Plages d’Agnès, d’Agnès Varda (pour l'instant, toujours pas disponible en dvd). Pourtant, avec leurs univers radicalement différents, ces deux films partagent une même irréductibilité, une même gravité ludique, une même vision humaniste du monde. Avec leurs 20 ans de différences (l’un a 62 ans, l’autre, 81), Forcier et Varda viennent tous deux d’une époque où le regard d’un créateur englobait tout de l’expérience humaine. Qu'on se souvienne de Jane Birkin en Jeanne d'arc dans Jane B. par Agnès V... Qu’on se souvienne de la sirène de Kalamazoo qui, aimée de Rémy Girard, parlait avec sa voix...

 

Dans Je me souviens, masculin et féminin sont également présents, le privé nourrit le public, l’intime prend racine dans l’historique, et la comédie humaine est indissociable du drame. C’est  cette capacité de chaque facette du récit à nourrir les aspects les plus divers qui fait la force et la grandeur de ce film.

 

Avec une caméra qui file au fil de l’eau, la séquence d’ouverture montre une jeune mère (Hélène Bourgeois-Leclerc) qui, à bord d’un canot, raconte une histoire à son garçon tandis que son père (Pierre-Luc Brillant) lui parle de lutte syndicale. En quelques minutes, le cinéaste pose les jalons du récit à venir, nature et culture mêlées, territoire et imaginaire confondus, sensualité et réflexion unies.

 

Avec sa voix bourrue et un ton « au creux de l’oreille » que l’on prend pour raconter une histoire à un enfant, Forcier assure la narration du film dans le rôle d’un enfant et ancre son propos dans une intemporalité voulue. Visuellement, rien de tel que le noir et blanc pour raconter une histoire intemporelle, et celui de Daniel Jobin est superbe. Dommage qu'à l'exception de l'excellente bande-annonce, on ne trouve ici aucun supplément. Entrevues, reportages ou analyses: l'univers de Forcier aurait vraiment mérité un effort.

 

Si comme le disait Truffaut, « les films sont des trains qui avancent dans la nuit », Je me souviens fonce à la vitesse d’un express. Les séquences s’enchaînent à un rythme soutenu, chacune avec une nouvelle idée, une trouvaille narrative, un coup de théâtre ou un gag. Mais lorsque Némésis, la petite fille autiste, se met à apprendre le gaélique, le film prend son véritable envol, majestueux. La parabole sur un Québec amnésique est  implacable et le parallèle avec l’Irlande est particulièrement porteur.

 

Hormis les chansons d’époque, toute la musique de Je me souviens est tirée du Peer Gynt de Grieg. Peer Gynt, ce jeune norvégien  immature qui, sa vie durant, fuit la réalité en multipliant les aventures, est-il une autre métaphore d’un pays éternellement en devenir? C’est l’une des multiples pistes de ce film qui, jusqu’ici, est le plus riche dans l’œuvre d’un cinéaste pour qui rien de ce qui est humain n’est étranger.

 

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Cet irrésistible mélange de poésie et d’humour cruel

Par Manon Dumais, journaliste

Montréal le mars 2009

 

Campé en Abitibi en 1949, Je me souviens nous transporte dans une lutte opposant deux travailleurs souhaitant devenir chef du syndicat de la Sullidor Mining: le premier, Robert Sincennes (Pierre-Luc Brillant), est communiste, alors que le second, Richard Bombardier (David Boutin), est la marionnette du patron de la mine (Doris St-Pierre), lui-même acoquiné avec le confesseur (Rémy Girard) du premier ministre (Michel Barrette). Afin d’aider Bombardier à récolter plus de votes, Duplessis enverra ses orphelins.

 

Peine perdue, car Bombardier meurt accidentellement. Dès lors, sa veuve (Céline Bonnier) se vengera en jetant son dévolu sur Robert et son camarade (Mario Saint-Amand), au grand dam de leurs épouses (Hélène Bourgeois-Leclerc et Julie Dupage). De cette vengeance naîtra la bien-nommée Némésis (Alice Morel-Michaud), qui trouvera des alliés chez Louis Sincennes (Renaud Pinet-Forcier), son demi-frère, et un révolutionnaire irlandais (Roy Dupuis).

 

Voir Je me souviens, c’est retrouver l’André Forcier des belles années, celui à qui l’on doit des films de la trempe de Bar-salon, L’Eau chaude, l’eau frette et Au clair de la lune. De fait, dans ce voyage lumineux au coeur de la Grande Noirceur, l’on retrouve cette même tendresse pour les petites gens et les marginaux, cet irrésistible mélange de poésie et d’humour cruel, de même que cet amour teinté de désarroi pour un pays dont l’avenir l’inquiète.

 

Sous le couvert d’une histoire inspirée de souvenirs d’enfance, de faits historiques et de réflexions sociales, le cinéaste, en pleine possession de ses moyens artistiques – faute de moyens financiers -, dépeint un savoureux Québec imaginaire où hommes, femmes et enfants se débattent comme des diables dans l’eau bénite afin de ne plus crouler sous la chape de plomb de l’Église catholique et de l’impérialisme anglais.

 

Évoquant tour à tour les guerres d’Algérie, d’Indochine et d’Irlande, Forcier fait la part belle à ses préoccupations nationalistes sans pour autant faire de Je me souviens un film militant et didactique. Bien au contraire, avec ses personnages attachants et truculents, ses répliques vives et imagées, son sens aigu de l’insolite et du pittoresque, le dernier cru de Forcier illustre parfaitement que la comédie peut à la fois divertir et faire réfléchir. Un fait que l’on oublie hélas! trop souvent dans le cinéma québécois.

 

 

 

 

FICHE TECHNIQUE "JE ME SOUVIENS"

 

JE ME SOUVIENS — André Forcier (Réalisation) — Scénario (André Forcier & Linda Pinet) — Conseiller au scénario ( Jean-François Chicoine, Le monde est ailleurs) - Céline Bonnier, Rémy Girard, Roy Dupuis, Gaston Lepage, Hélène Bourgeois-Leclerc, France Castel, Michel Barrette, Julie du Page, David Boutin, Mario St-Amant, Pierre-Luc Brian, Alice Morel-Michaud, Charles-Olivier Pelletier, Renaud Pinet Forcier (interprètes) — Linda Pinet (montage)— Jean-François Chicoine, Le monde est ailleurs (conseiller scientifique)— Pascal Maeder (producteurs exécutifs)— Productions du Paria (producteurs), Atopia (distributeurs), Canada, 35 mm, environ 90 minutes.

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